Bribes d’histoire -68-

Posté par imsat le 29 mai 2022

Je devais évoquer je ne sais plus combien d’impressions, de fragments de souvenirs, de moments heureux, de jours heureux. Mais le quotidien est venu interférer dans mes projections, brouillant les cartes, imposant ses urgences, ses priorités, son diktat, remettant les pendules à l’heure mais pas toujours dans le sens souhaité. Et lorsqu’il me faut rattraper les choses, je le fais dans le même registre rétrospectif.
Oui, c’est vrai, ce que j’écris tourne toujours autour des mêmes évocations. Je m’en rends compte mais je ne m’en étonne pas. Pourquoi se forcer à écrire ce que l’on ne ressent pas ?
Même quand je dis que le style de Patrick Modiano me plaît beaucoup, je suis dans la proximité d’une certaine nostalgie. J’aime ce qu’il écrit. Il ne cherche pas à épater. Il dit les choses simplement mais ses phrases sont ciselées de telle sorte qu’elles marquent les esprits. Ce qu’il écrit est retentissant parce qu’il nous est familier. En tout cas, cela me parle complètement.
Systématiquement, je me dis : « mais j’ai vécu cette situation, j’ai éprouvé ce sentiment, j’ai bel et bien croisé des gens qui ressemblent à ceux dont il parle, j’ai moi aussi vainement tenté à maintes reprises de me rappeler les rêves de la veille… » Et justement ces tentatives (souvent infructueuses)  de récupération de certains rêves me renvoient à l’époque où il nous arrivait fréquemment d’entamer la journée en racontant nos rêves respectifs quand il en restait quelque chose. Nous épiloguions même quand le rêve résiduel était vague, confus, incertain. Nous finissions notre propos en émettant le voeu qu’il en sorte du bien. Nous disions plusieurs fois : « inchallah, c’est bien » pour que le rêve se traduise positivement.
Certains écrivains comme Modiano séduisent parce qu’ils savent parler du réel, de ce que nous ressentons ou avons vécu. Leur talent particulier les distingue des autres auteurs.
La ligne de démarcation saute tout de suite aux yeux et, ajouterais-je, au coeur. Cela se lit et se ressent. Cela repose aussi sur la sincérité. Et la, on pense, je pense à la personne même de l’écrivain. Ce qu’il écrit, il l’a vécu, ressenti, observé, aimé.
« Un mot n’est pas le même dans un écrivain et dans un autre. L’un se l’arrache du ventre. L’autre le tire de la poche de son pardessus »
Cette citation de Charles Péguy illustre exactement ce que je souhaitais dire de Patrick Modiano, de son style, de sa perception des choses de la vie, de sa façon d’en valoriser le moindre détail. Oui, ce qu’il écrit sort de ses tripes. On s’en rend compte lorsqu’on le voit à la télévision.
Ce qu’il ne parvient pas à formuler oralement, ses hésitations, ses phrases incomplètes, ses silences, eh bien tout cela, il finit par l’exprimer magnifiquement dans son écriture.
Lamine Bey Chikhi

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