14 juillet 1958, des jeunes algériens défient le pouvoir français…

Posté par imsat le 27 avril 2023

14 juillet 1958, sur les Champs Elysées, des jeunes algériens défient le pouvoir français

Mohamed Larbi Chikhi dit Babi

Aussi incroyable que cela puisse paraître, Le 14 juillet 1958, le FLN s’est bel et bien invité sur les Champs Elysées, souhaitant à sa manière la bienvenue à De Gaulle alors Président du Conseil à côté de René Coty, Président de la République Française.

A cette occasion, il était prévu que l’un et l’autre entendraient de la bouche de 2000 jeunes Algériens venus d’Algérie pour la circonstance défiler sur les Champs Elysées, et crier à gorges déployées  » Vive la France ! »

Ce sont les services spéciaux qui ont organisé l’événement avec l’aide de la SAS, la SAU et la DST. Par inadvertance, ils y ont associé des éléments de l’organisation FLN de Constantine qui avaient veillé au travail de mobilisation pendant les regroupements et les différentes traversées auprès des éléments sûrs.

Il était difficile de garder le secret de l’opération jusqu’au jour J malgré l’encadrement et l’isolement des futurs manifestants d’autant que ces jeunes avaient subi un matraquage psychologique et des promesses de divers ordres.

On comptait très peu d’étudiants parmi eux, il y avait surtout des jeunes en rupture scolaire parmi ceux qui avaient été recrutés à la périphérie urbaine, des sans-emplois, dans un contexte sécuritaire marqué par la répression malgré la fraternité de façade affichée le 13 mai 1958.

Fort heureusement, cette mascarade n’aura pas lieu et ce, grâce à la vigilance de la Fédération de France qui, alertée par l’organisation du FLN de Constantine, va prendre en main le véritable déroulement des opérations et provoquer un tollé au sein des délégations étrangères qui assistaient au défilé annonçant le retour de De Gaulle au pouvoir.

En effet, le préfet Papon précédemment en poste à Constantine -où il ne laissera pas de bons souvenirs- cherchant surtout à se mettre en valeur auprès des autorités de Paris, eut l’idée saugrenue de faire venir de Constantine et ses environs les 2000 jeunes « français musulmans » à qui on allait demander de crier vive la France et agiter des drapeaux tricolores sur les Champs Elysées.

La Fédération avait tout prévu

Ceux qui étaient chargés d’encadrer ces jeunes à Paris n’ont pas hésité un seul instant à rapidement prendre contact avec l’organisation et rendre compte des consignes qui leur furent communiquées.

Pour l’organisation se posa le problème de leur prise en charge et de leur évacuation par la suite.
A ce stade de la préparation de l’action du 25 aout 1958, le risque était trop gros. Il fallait donc jouer avec les mêmes armes que Papon voulait utiliser contre nous.

Nous allons manifester, certes, mais nous allons crier Algérie Algérienne et agiter le drapeau algérien que l’on a pu fabriquer en très peu de temps; ce drapeau que le monde entier a pu voir et observer, outre le chaos psychologique que nos jeunes ont créé avant de se disperser dans la nature pour la plupart. Beaucoup parmi eux furent d’ailleurs récupérés par l’organisation.
Les responsables furent évacués d’abord vers l’Allemagne où ils furent pris en charge par le représentant du FLN, Hafid Kéramane qui organisa leur départ vers la Tunisie via l’Italie.
Cet événement continue hélas d’être ignoré par nos historiens à l’instar de la manifestation du14 juillet 1953 où tombèrent six de nos frères et un étranger en plus de centaines de blessés, Place de la Nation, à Paris.

Deus Ex Machina

Pour le 14 juillet 1958, toute l’organisation allait se dérouler très vite compte tenu des délais impartis (à peine trois semaines) avant la date fatidique.

Le cloisonnement de l’organisation et les règles de la clandestinité constituaient notre principale force.

Comme des milliers de personnes, nous étions sur le parcours du défilé mais les présents étaient loin de se douter qu’ils allaient assister aux premières loges à un deus ex machina non prévu dans le programme et qui allait bouleverser nos vies.

La priorité pour nous était de dégager au plus vite de l’endroit où nous étions, d’autant que la bouche du métro Franklin Roosevelt se trouvait sur l’itinéraire du défilé.

Le mouvement de foule gêna un peu notre progression vers le salut. Nos cœurs battaient la chamade, nous étions convaincus qu’une une fusillade risquait d’éclater à un moment ou un autre.

Avec le recul du temps, je me demande vraiment pourquoi n’a t- on pas prévu au moins des médailles de mérite à cette jeunesse qui a porté haut et fort l’emblème de l’Algérie, et pour la première fois en France devant le peuple français et son libérateur le général De Gaulle, même à titre posthume. Cette injustice doit être réparée.

Il faut insister sur le fait que cet événement n’a pas surgi ex nihilo. Il avait été conçu et organisé rigoureusement et longtemps à l’avance.

Des réunions de préparation allaient se tenir plusieurs après- midi de suite au Tam Tam rue de la Huchette au 5ème arrondissement.

L’établissement appartenait à la famille Ftouki parents de Warda El Djazairia, et originaires de Constantine.

Il n’était ouvert que la nuit, on y allait pour écouter de la musique algérienne en dégustant des gâteaux et du thé; l’endroit attirait beaucoup de touristes orientaux friands de morceaux du Malouf constantinois.

La sécurité était totale pour les éléments de l’organisation qui devaient étudier tous les cas de figure, la remise des drapeaux aux éléments sûrs, les slogans, la proximité de la tribune officielle; ils devaient veiller à perturber au maximum le déroulement du défilé, mais aussi à organiser le repli des éléments audacieux avant que la police ne les arrête, et les lieux où devaient se cacher les militants avant leur évacuation.

Inutile de souligner que nos éléments ont fichu une telle pagaille que la presse de droite n’a pas cessé d’en parler pendant toute la semaine. Le Monde nous consacrera des articles élogieux, balayant définitivement le rêve de l’Algérie française.

A cette époque, l’Algérie étant un département Français, ceux qui ont réussi à s’éclipser n’ont eu aucun problème, leur carte d’identité Française suffisait à les protéger pendant leur séjour.

Certains sont devenus permanents de la Fédération de France jusqu’à l’indépendance.

Les mineurs ont repris le chemin du retour sur Constantine, non sans avoir été sermonnés par les agents de la DST qui étaient restés stupéfaits devant cette surprise et l’ampleur d’un l’événement auquel ils ne s’attendaient pas.

Écrire ces actes de bravoure

En tout état de cause, il est urgent  d’entamer l’écriture de l’histoire de l’apport de l’émigration Algérienne à travers la fédération de France,  apport qui n’est pas seulement financier; des événements importants ont été vécus  par notre émigration, la mise en place de l’organisation de la Fédération en 1952 par Mohamed Boudiaf et Didouche Mourad, avant qu’ils ne regagnent Alger où la préparation du soulèvement du premier novembre 1954, était rentrée dans sa phase décisive.

Les cadres qui ont vécu toute cette période sont en train de nous quitter les uns après les autres, beaucoup reste à dire et à écrire.

Cette tâche n’incombe pas seulement aux pouvoirs publics. Elle devrait impliquer de façon active les universitaires, les chercheurs en histoire et plus globalement les intellectuels (politologues, sociologues, ethnologues…) aptes à contribuer à l’écriture de l’histoire de la guerre de libération nationale.

M.L Chikhi

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