I comme Italia -14 -
Posté par imsat le 25 mars 2024
« C’est quand il y a quelque chose au-dessus de la vie que la vie devient belle » (Jean d’Ormesson)
Parmi les nombreux moments conviviaux d’autrefois, je me souviens de certaines après-midi printanières, en particulier du temps que nous prenions non seulement à déguster le café ou le thé et les délicieux gâteaux (makrouds, brajs, rfisse,…) qui étaient toujours disponibles, mais également et bien naturellement à converser dans la détente et la sérénité.
Nous ne parlions pas de façon expéditive, nous mettions en exergue des détails qui nous paraissaient intéressants ; parfois, nous épuisions les sujets que nous abordions, en tout cas, nous en disions l’essentiel, nous n’étions pas pressés, nous ne regardions pas l’heure…il nous arrivait aussi de survoler à peine certaines questions, de les laisser en suspens, parce que leur énoncé se suffisait à lui-même; moi, je regardais, j’écoutais, j’appréciais, j’aimais bien m’étendre sur des mots ou des expressions que je trouvais rarissimes.
Aujourd’hui, la reconduction d’une telle atmosphère me semble impossible, je le dis ainsi parce que, hélas, c’est bien ce que j’observe depuis de nombreuses années. Il y a un vide sidéral. Et ce vide, j’ai l’impression de le combler au moins partiellement en « discutant » avec I comme Italia. Et je le fais, comme je l’ai déjà souligné, dans un contexte poético-littéraire extrêmement inspirant, tantôt directement tantôt en m’imaginant dialoguer avec elle. D’une certaine façon, elle ressemble aux femmes d’autrefois par son inclination à relancer, à dynamiser la conversation, à être créative et intellectuellement très réceptive. Je suis toujours agréablement surpris par sa façon de dire les choses, de montrer de l’intérêt à ce que je dis. Avec elle, il y a toujours des choses à raconter, une continuité, une inventivité.
Mon double m’a demandé si au moins elle comprenait ma façon de penser. Je lui ai repondu par l’affirmative. « Par moments, elle lit même dans mes pensées » lui ai-je précisé. Il n’a pas réagi. Peut-être attend-il que je me réveille, que je sorte de mon rêve parce qu’il croit en effet que je me fais des illusions. Pour lui, c’est une question de temps. Il ne me l’a pas dit mais il me l’a laissé entendre à sa façon. Il attend le jour où je lui dirai: « voilà, je ne rêve plus, tu avais raison, tout cela n’était que le fruit de mon imagination… »
Sur ce point précis, je ne suis pas vraiment en désaccord avec lui sauf que ma conception du rêve n’a rien à voir avec la sienne. Rêver c’est aussi se souvenir, rêver pour se souvenir, rêver ce n’est pas du tout se couper du réel: I comme Italia, c’est une réalité. C’est une conversation quasi continue, tranquille, heureuse autour de plein de choses de la vie, des arts et des lettres. Le rêve, c’est la nostalgie: nostalgie du cinéma des années 60-70-80, des écrivains d’une époque révolue, des photos en noir et blanc prises par des artistes subtils, intelligents, sensibles et passionnés par leur art. I comme Italia est indissociable de ma perception du temps qui passe et qui me semble converger avec la sienne. Et c’est justement à partir de cette approche éclectique du temps qui nous permet de passer en revue de façon ludique les faits marquants du cinéma, de la littérature et de la photographie d’hier et d’aujourd’hui, qu’émerge quelque chose qui se situe au-dessus de la vie et qui transforme la vie…
Lamine Bey Chikhi
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