I comme Italia -21-
Posté par imsat le 18 juin 2024
« Il est encore temps d’imaginer n’importe quoi, de croire que tu vas apparaître à tout moment. Croire même que tu me cherches. » (Julio Cortázar)
Ce qu’imagine Cortázar, je le pense fréquemment. C’est toujours une affaire d’imagination. Tantôt, c’est volontaire, délibéré et intellectuellement arrangé, construit. Tantôt, il s’agit d’images furtives qui me traversent l’esprit. Au début, ce que j’imaginais se passait, se déroulait à Alger mais au fur et à mesure que j’avançais dans mon récit, je me suis aperçu que mes projections s’établissaient quasi exclusivement en Europe, à Paris, Rome, Bologne. Lorsque je dis projections, je pense à des rencontres fortuites ou organisées, des conversations, des dîners, des balades…
Tout cela passe donc par l’imagination mais dans bien des moments, c’est le rêve qui prend le relais. Imaginer puis rêver ou les deux en même temps, cela ne me dérange pas vraiment. Je crois que cette situation m’aurait mis mal à l’aise si je ne l’avais pas encore intégrée dans un projet d’écriture. Cette écriture, je l’ai voulue dès le départ directement et intimement liée à I comme Italia, tout en lui conférant une autonomie propre. Cette autonomie potentielle est une précaution, une espèce d’assurance tous risques, actionnable à tout moment et d’abord dès l’apparition des signes avant-coureurs d’un tarissement du rêve ou de l’imagination eux-mêmes dépendants des sentiments multivariés que j’éprouve pour I comme Italia. Et puis, ce qu’il me faut préciser, c’est que je suis parfaitement conscient des limites de l’imagination dans sa confrontation avec le réel. Il n’est pas rare que le réel réduise à néant ce à quoi j’aspire et qui finit par ressembler à de l’utopie pure. Le réel, c’est la géographie, l’histoire (collective et individuelle), la politique, les frontières. Ah ! Les frontières… Voici ce qu’en pense Jorge Luis Borges: « Cette idée de frontières et de nations me paraît absurde. La seule chose qui peut nous sauver est d’être des citoyens du monde ». Ce propos est magnifique mais pour les milliards de personnes qui vivent en général dans les pays du Sud, c’est une utopie. Les frontières contiennent le rêve dans ce qu’il est, c’est-à-dire généralement une vision, un souhait impossible à transformer, à traduire dans le réel. C’est pourquoi, je suis naturellement contraint de tout relativiser à cause de cette question des frontières qui parasite l’inspiration ou du moins qui maintient le sentiment dans un champ théorique, littéraire, platonique.
En même temps, l’écriture, dans un tel contexte, permet de pallier un manque, tout en anticipant une possible absence de relais lorsque tout ou presque aura été dit. Sans l’écriture, est-ce l’inachevé qui finit par prévaloir ? Pas forcément. Je le dis ainsi car je pense au formidable retentissement des multiples facettes du bonheur esquissées par I comme Italia à travers ses évocations artistiques toujours belles, créatives et émulatives. J’aimerais en dire plus une autre fois.
Lamine Bey Chikhi
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