I comme Italia -47-
Posté par imsat le 18 décembre 2024
« Loin de vous, tout m’est exil » (Marcel Jouhandeau)
La distance physique et l’éloignement géographique finissent-ils toujours par fracasser, néantiser les passions amoureuses ? Je ne me suis évidemment pas empêché de me poser la question au sujet de ma relation épistolaire avec « I comme Italia ». J’y ai d’ailleurs fait allusion à maintes reprises, notamment en citant Jorge Luis Borgès sur l’idée de frontières qu’il jugeait absurde. Je me suis interrogé dès le début et en toute conscience sur l’impact de l’obstacle spatial, distanciel sur l’évolution de mon projet d’écriture, mais je ne voulais pas que cette préoccupation interfère dans mes soliloques et vienne vicier mon objectif cardinal : écrire un récit sur elle, sur ce que nous éprouvons l’un pour l’autre, en tout cas sur ce que moi j’éprouvais déjà pour elle et dont j’étais absolument sûr.
Si je m’étais soucié de la perspective d’une rencontre directe et immédiate, je n’aurais pas pu me lancer dans le récit. J’en étais convaincu. En vérité, je n’ai commencé à y songer sérieusement et profondément que lorsque je me suis précisément interrogé sur ce qui pouvait venir relativiser mes aspirations et peut-être même les annihiler. Encore une fois, je parle de mes sentiments, autrement dit de ce dont je suis sûr. Je ne saurais dire la même chose sur ce qu’elle ressent pour moi. Par moments, j’ai l’impression de lui forcer la main. Quand elle me dit que j’exagère lorsque je la complimente systématiquement, elle semble comme presque contrainte de se mettre en phase avec mon propos. Et elle le fait, je crois, par courtoisie. Oui, parfois, je pense, non pas que j’exagère dans l’éloge que je fais d’elle, mais qu’elle considére nos échanges pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire inscrits surtout ou exclusivement dans une configuration, une projection littéraire, utopique qui n’aurait pas nécessairement de prolongement dans la vie réelle, la vraie vie, à cause des entraves et obstacles de toutes sortes, totalement indépendants de notre volonté. Eh bien, même dans cette optique purement théorique et envisagée comme une situation éphémère, je crois m’être investi corps et âme. J’ai pensé d’abord au récit. Pas à autre chose même si chacune de mes phrases, de nos phrases déclenchait des images, des envies, des rêves nous mettant tous les deux en présence. Cela dit, j’ai considéré le choix initial de l’écriture dénuée de toute potentialité concrète en toute lucidité comme une soupape de sécurité, un élément de résilience dans le cas où il n’y aurait pas de réciprocité sentimentale et où je me retrouverais dans une impasse, face au vide. Que pourrait-elle penser d’une telle précaution ? Etait-ce maladroit de ma part ? Ne suis-je pas en train de rationaliser quelque chose qui relève du sentiment ? Peut-être, mais je n’invente rien. La question des frontières, les contraintes bureaucratiques liées à l’obtention des visas, la problématique circulation des personnes entre le Sud et le Nord, tout cela est bien réel. Je ne me cherche pas d’excuses. Le contexte global est ce qu’il est. D’une certaine façon, cette donnée détermine le devenir de mon récit, je veux dire qu’elle pourrait influer défavorablement sur mon souhait accessoire de transformer (le moment venu) le récit en actes tangibles, palpables. Si l’on pouvait circuler librement, je me serais évidemment arrangé depuis belle lurette pour aller lui rendre visite, et je l’aurais fait plusieurs fois. Est-ce que pour autant, j’aurais eu la même inspiration pour écrire ce que j’ai écrit sur elle à ce jour ? Je ne le pense pas. Ma motivation de base était adossée à des citations et photos rapportées par ses soins, à ses phrases brèves, belles et inspirantes, à trois de ses photos personnelles. Ensuite, il y a eu nos échanges, une cordialité, une vraie convivialité, des compliments réciproques dans une ambiance emplie de poésie, de beauté, de nostalgie…
Hier, je me suis souvenu d’une trés charmante femme rencontrée il y a longtemps dans le train reliant Constantine à Annaba. C’était un mois de juillet. Je crois bien en avoir déjá parlé dans Bribes d’histoire ou Réminiscences. J’ai pensé à elle en même temps qu’à « I comme Italia » et à leur ressemblance physique…
Lamine Bey Chikhi
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