I comme Italia-65-
Posté par imsat le 23 mars 2025
« Dans la passion, c’est le rêve qui compte » (Annie Ernaux)
Pour moi, penser à Ivana ne passe pas nécessairement ni toujours par l’écriture. Je le dis ainsi pour qu’elle le sache, et c’est important parce que j’ai parfois l’impression que certains de nos silences pourraient prêter à interprétation. En même temps, ce « risque » s’explique aisément par sa connexité avec l’habitude et par conséquent avec ce qui viendrait rompre ce rituel. On converse, on s’écrit, on prend des nouvelles de l’autre selon une fréquence plus ou moins constante. Et soudain, un silence s’installe et au bout de quelques jours à peine, on commence à s’interroger. En vérité, je parle surtout de moi, j’ignore si elle est dans le même questionnement. Avant de connaître Ivana, je n’avais pas du tout ce genre de préoccupation. J’étais totalement libre. Aujourd’hui, c’est autre chose. Et je suis souvent tenté, peut être à tort, de la rassurer, de lui dire que, de mon côté, entre le silence et l’écriture (l’écriture directe ou par citations interposées), c’est souvent une affaire d’inspiration. Mais l’inspiration, ce n’est pas seulement ce qui pousse à écrire à un moment précis, c’est aussi une intuition qui implique l’autre, qui permet de l’imaginer, de deviner ses humeurs. Dans les silences qui ne génèrent pas une écriture immédiate, je pense à elle, à ce que je pourrais lui dire et que je n’aurais pas déjà dit ou que j’aurais à peine effleuré. En définitive, elle est toujours dans ma tête. Oui, c’est vrai, il m’arrive de penser que j’ai tout écrit ou presque sur elle. Je dis bien : sur elle spécifiquement et pas du tout sur les choses de la vie. D’ailleurs, on ne parle jamais des choses de la vie, de leur dimension matérielle ni de ce qui se passe dans le monde, des guerres, des catastrophes humanitaires, des bouleversements géopolitiques en cours. Est-il justement nécessaire de contextualiser notre relation ? Il m’arrive de penser que ce serait bien de mettre en évidence certains détails de notre vie de tous les jours. Les rues que chacun emprunte le plus souvent. Nos balades préférées. Des scènes de rue insolites. La rencontre de quelqu’un qu’on avait perdu de vue. Un évènement culturel digne d’intérêt. Des circonstances qui déclenchent un souvenir. Une ou deux associations d’idées. L’enfance. Les grandes vacances d’autrefois. Des regrets. Une confidence. Deux ou trois rêves récurrents… Hier, j’ai pensé à Anna Karina et Marcello Mastroianni, photographiés sur la jetée d’Alger en marge du tournage de L’Étranger de Visconti. Une belle photo en couleurs sous un magnifique ciel bleu. Ivana connait bien cette photo. Elle l’avait postée via twitter il y a quelques mois. Nous l’avions commentée. Anna Karina portait une splendide robe blanche á rayures rouges. Sur cette photo, Anna, c’est un peu Ivana, radieuse, charmante, svelte, sereine, heureuse. A partir de là, c’est toute une ambiance que l’on imagine, que l’on tente de reconstituer autour d’un film, d’une époque, d’une ville, Alger, les années 60.
Les souvenirs, les rêves, c’est tout cela. La passion aussi. Mais la passion, c’est également quelquefois l’audace dans le choix d’une photo ou d’une citation percutante, singulière pour exprimer ce que l’on ressent profondément. Ivana alterne beaucoup plus que moi poésie, photographie et littérature pour dire les choses.
Lamine Bey Chikhi
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