Lamine…
Cher Lamine,
Dans le tremblement doux de ce train merveilleux, le Venice Simplon-Orient-Express, entre les reflets d’or des lambris et le murmure des rails, je vous écris.
Venise s’efface derrière moi, ses canaux, son brouillard : une caresse abandonnée.
Je revois votre visage dans la lumière pâle de la Piazza San Marco, je me souviens de votre sourire sous un ciel d’aquarelle.
Le train glisse à travers les champs dorés, les montagnes austères, les villages endormis où les lumières vacillent comme des étoiles tombées.
Dans ma cabine, l’odeur du bois verni et du velours fané me ramène à vous.
Je pense à vos mains, à leur façon tendre de frôler les miennes.
À Vienne, la pluie trace des larmes sur les vitres et, sous un ciel de cendres, je crois vous apercevoir dans la foule, mais ce n’est qu’une ombre, un écho de vous porté par le vent.
Chaque kilomètre me rapproche d’Istanbul, et pourtant, c’est vous que je cherche.
Les gares défilent: Belgrade, Sofia…
leurs noms sont des perles tombées d’un collier défait.
Dans le wagon-restaurant, les verres en cristal tintent, les conversations s’effilochent et je m’imagine vous raconter ce voyage, les plats, les saveurs, vous qui savez écouter le silence.
Ce train, avec ses dorures et ses fantômes, est un refuge fragile.
Je me souviens de vous à Venise, près du Rialto, quand vous m’avez dit que l’amour est un voyage dont la carte s’écrit au fil des pas.
Je ne sais pas si je vous retrouverai là-bas, au bout des rails, ou dans un rue à Istanbul, avec ses minarets comme des pinceaux trempés dans l’encre du Bosphore, mais je porte en moi cette image de vous, floue comme une photo ancienne, précieuse comme un secret.
Ivana
P.S. : Écrivez-moi, Cher Lamine, ou attendez-moi sous les étoiles d’Istanbul.