Retour à Alger…

Posté par imsat le 23 mars 2023

Retour à Alger
La confrontation avec les réalités post-indépendance
Mohamed Larbi Chikhi dit Babi
Nous venions de terminer le recensement exigé par les responsables fédéraux et clôturer laborieusement les comptes de juillet. Nos attestations de départ en poche, nous attendions les dernières instructions pour prendre le train pour Paris.
La cohabitation avec les ex responsables de la région de Lyon était devenue impossible. La contestation commençait à gagner du terrain. Notre chef de wilaya, Abdallah dit dents blanches, nous demanda de participer à un regroupement des cadres des deux wilayas en région Lyonnaise. A cette occasion, notre coordinateur Attaba Mohamed, nous fit une communication importante. Il nous relata les péripéties du dernier CNRA ( Conseil national de la Révolution algérienne ) à Tripoli auquel assistait Ahmed Ben Bella. Le CNRA, qui a ce moment-là, n’avait pas été clôturé, laissa chacun membre et chaque groupe partir de son côté. Nous étions ainsi informés en moins d’une heure de ce que nos responsables nous avaient caché pendant toute la période de la lutte de libération, c’est-à-dire les divisions qui minaient la révolution et qui se réglaient à coup de liquidations physiques. Maintenant que l’ennemi est vaincu, les ambitions des uns et des autres ne sont plus que secrets de polichinelle. Il ne m’appartient pas de disserter sur cet aspect de l’histoire.  Beaucoup a été dit et écrit, mais certaines vérités restent à dévoiler sur l’Histoire de notre pays et la révolution. Le 19 août 1962, j’embarque  pour Alger apres avoir passé quelques jours à Paris juste pour saluer de la famille, quelques amis qui nous ont aidés, et pour ramasser quelques affaires qui traînaient par ci par là.  Et me voila à Dar El Beida, Alger la Blanche.
Retrouvailles et Grande émotion !
Je rallie la capitale au plus vite, et comme d’habitude, je n’avais qu’une seule adresse en tête: rue Caussemille à Belcourt, inchangée depuis 50 ans.  Ma cousine Melha m’apprend que ma soeur Fakia se trouvait à Alger avec son mari, j’ai fini par la retrouver, ainsi que la voiture de mon père, une 203 Peugeot.  Deux jours après, je me retrouve  dans le cocon familial,  heureux de renouer avec les miens tous heureusement en bonne santé.  Quelques jours m’ont suffi pour examiner la situation sur tous les plans, en particulier politique. En mon for intérieur, je me disais que je n’avais au fond rien à faire dans cette ville où les habitudes des citoyens sont encore « doucement le matin, pas trop vite l’après-midi. » Je suis certes à Alger mais bien malin qui peut me dire comment cela va fonctionner. Les oppositions et rivalités politiques s’exacerbent entre divers groupes (groupe de Tlemcen, groupe de Tizi Ouzou…). Farès, nommé  pour assurer la transition, peine à se faire entendre.La rue gronde, la ville est occupée par les djounouds de la wilaya 4.Les commandos de Yacef Saadi que dirige Azzedine font du zèle, sans plus.  Sidi Abderrahmane Ethaalabi veille sur Alger. En définitive, rien de grave ne survient, au grand étonnement des étrangers.  Une dynamique politique est enclenchée malgré des tiraillements. Les choses s’organisent à un rythme soutenu, une dynamique s’enclenche, la constituante est mise en place, la constitution est rédigée. L’ Assemblée  nationale est élue. Le premier gouvernement est formé. Des  tiraillements vont commencer avec un chef du gouvernement qui cumule plein de fonctions, et qui va nous balloter pendant presque trois années, d’un système à un autre (du cubain au chinois en passant par le modèle Yougoslave et des références au mouvement des non-alignés…). L’autogestion s’installe durablement, les fermes continuent à fournir fruits et légumes, et à procurer un bien-être à nos paysans.L’ économie et les finances sont gérées au jour le jour, en attendant de récupérer les véritables outils de production encore entre les mains des étrangers.  Le plus grave reste le pouvoir en place qui, en l’absence d’une feuille de route, navigue en essayant d’éviter les écueils mais commence à fragiliser l’unité nationale.  »Il fallait à tout prix en finir avec les maquis en Kabylie et les différentes oppositions ». C’était le mot d’ordre de certains. Fort heureusement, des négociations secrètes sont engagées en temps opportun entre le pouvoir et le FFS (Front des forces socialistes) évitant ainsi in extremis au pays un conflit dont il n’avait vraiment pas besoin au sortir d’une guerre de libération de 7ans et dont on ne dira jamais assez qu’elle fut destructrice à tous points de vue.
Un projet de coopération avec l’Unesco
En dépit d’une conjoncture politique incertaine, je restais actif, toujours opérationnel et à l’ècoute de la moindre information utile. A ce moment-là,  Bellahcène et moi, travaillions sur un projet de coopération avec l’Unesco et sur ce que nous pouvions attendre de la part de cette institution en termes de moyens.techniques et pédagogiques. René Maheu, son directeur général qui nous a reçus très cordialement, nous prodigua nombre de conseils judicieux.  Bellahcene Chaabane considérait pour sa part que les carottes étaient peut-être cuites pour la place et le statut de la langue francaise en Algérie compte tenu du comportement  d’Ahmed Ben Bella à l’inauguration de l’exposition que le Ministère de l’Orientation dirigé par Chérif Belkacem avait organisé à l’Ecole des Beaux arts d’Alger. M.René Maheu était invité à prononcer un discours à cette occasion, de même que d’autres participants. Curieusement, Ben Bella s’est abstenu d’intervenir, il a même quitté les lieux dès la fin de la rencontre, laissant tout le monde  bouche bée.  C’était quelques jours avant le putsh du 19 juin…  J’avais perçu cette sortie hâtive du Président comme une sorte de refus de sa part de cautionner les résolutions adoptées lors de la rencontre parce qu’elles s’inscrivaient dans une démarche et un programme d’accompagnement que l’Unesco acceptait d’appuyer par des moyens pédagogiques en phase avec des impératifs culturels connectés à un environnement linguistique où prédominait encore et très largement la langue française. Ce n’est que longtemps après que je compris son silence de carpe en me remémorant une de ses déclarations qui avait marqué les esprits: « Nous sommes arabes, nous sommes arabes, nous sommes arabes ! »  Cette phrase qu’il a prononcée à Tunis en 1962, Ben Bella l’a redite lors de son discours au Forum d’Alger en avril 1964 en ajoutant même qu’il la répèterait autant de fois que nécessaire. Bellahcène répondra favorablement à la proposition de René Maheu pour devenir Mr Alphabétisation  de l’Afrique.Chérif Belkacem lui donna immédiatement son accord, lui rendant ainsi un grand servIce. Cependant, l’Algérie perdait officiellement un grand pédagogue et en même temps son premier cadre de valeur avant de commencer à respirer.  J’ai eu à apprécier ce Monsieur pendant la préparation du grand séminaire de l’émigration que j’ai eu l’insigne honneur  de coordonner dans la cadre de ma présence en France au sein de l’Amicale présidée à cette époque par Mahmoud Guenez.  Dans le contexte politique qui prévalait alors, le pouvoir en place ambitionne de mettre fin aux fonctions du Ministre de la Défense en s’attaquant d’abord au Ministre des Affaires étrangères Abdelaziz Bouteflika,  proche de Houari Boumediene.
Mission pour un programne d’alphabétisation d’enfants d’émigrés.
Cette crise qui va durer tout le mois de juin nous surprendra, Bellahcene et moi, à Paris où nous fûmes envoyés par Cherif Belkacem pour prendre contact avec le president de l’Amicale des Algériens en vue de mettre en place un programme d’alphabétisation et d’arabisation au profit d’enfants d’émigrés. Cette mission était un prétexte pour nous éloigner momentanément d’Alger. Il fallait nous préserver en attendant des missions ultérieures. C’était aussi une réponse à une demande de Abssi coordinateur de l’Amicale, très proche de Ben Bella, arabisant invétéré qui lui réclamait sans cesse de mettre en place une structure pour la prise en charge des petits enfants d’émigrés en France. Comme tout le reste, c’était facile à dire mais sur le terrain se poseront des problemes incommensurables. Après avoir pris langue avec les représentants de l’éducation nationale qui en quelques mots diplomatiques et plein de bon sens nous expliquèrent que notre projet n’était pas réalisable: On nous a invoqué l’absence d’espaces appropriés en milieu scolaire, les exigences liées à la règlementation en vigueur en matière d’hygiène scolaire, d’utilisation de locaux, de cahier des charges, etc. A ces arguments objectifs et indiscutables au regard des lois françaises, s’ajoutait la non disponibilité des élèves d’origine algérienne après une journee en milieu scolaire et souvent des devoirs à faire le soir à la maison. Ainsi la réponse du gouvernement francais est claire nonobstant notre proposition de fournir des enseignants d’origine Algérienne pour encadrer l’opération arabisation avec la collaboration de l’Unesco.  Le 19 juin à 4 heures du matin,  Bouakaz, le secrétaire de Reda Malek, nous reveilla et nous demanda de rallier notre ambassade où nous attendait Réda Malek. Ce dernier qui n’avait pas encore présenté ses lettres créance au général De Gaulle, nous informa du coup d’état. Ben Bella écarté, place au travail sérieux. Le pays en avait bien besoin.  Les patriotes se mettent à nouveau au service de la Révolution.
ML Chikhi

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La genèse de mon engagement militant

Posté par imsat le 4 mars 2023

La genèse de mon engagement militant

Des péripéties mémorables

Mohamed Larbi Chikhi dit Babi

« Transmettre la mémoire de l’histoire, c’est apprendre à se forger un esprit critique et une conscience »

(Simone Veil)

Un événement dont j’avais été témoin depuis le balcon de notre hôtel est resté gravé dans ma mémoire, ayant sans doute constitué une sorte de déclic dans mon engagement qui fut d’abord un engagement pour la lutte, pour le combat, indépendamment de ses objectifs politiques dont je n’étais d’ailleurs pas encore en mesure de percevoir toute la portée du fait de mon jeune âge.

L’événement dont il s’agit avait trait à l’arrestation musclée suivie du meurtre, sous mes yeux, d’un militant du FLN, par un policier français, alors qu’il tentait de fuir.

En fait, le policier armé d’une mitraillette crosse en bois somma le militant de s’arrêter pour un contrôle d’identité mais ce dernier refusa d’obtempérer et prit la fuite. Le policier tira une rafale de coups sur le militant qui s’effondra; les badots se sont mis à courir dans tous les sens, jusqu’à l’arrivée du commissaire de police dans une jeep avec d’autres policiers. Une arme avait été trouvée sur le fidaï. Une ambulance évacua le pauvre malheureux. Le policier français était accompagné d’un de ses collègues algériens qui lui servait d’interprète et de garde du corps. Le meurtre eut lieu devant les moulins Reha de Benflis (Souk El Assar) en face du café-hôtel de mon père. Le militant tué était le premier martyr de la révolution à Batna.

Psychologiquement, cela a naturellement pesé sur ma décision d’opter pour l’action. J’étais révolté par ce à quoi je venais d’assister mais je sentais que cette révolte resterait inachevée sans son incarnation dans le réel, par un engagement militant.

L’influence déterminante de Saout el Arab et Ali Mellah dit Nemeur

C’est aussi en écoutant Saout El Arab que le déclic se consolida. Le soir, alors que le couvre-feu était en vigueur, nous nous retrouvions mon frère Chérif, des amis policiers algériens originaires de la région et moi, au niveau de la réception de l’hôtel, pour évoquer la situation politique tout en prêtant l’oreille aux propos radiophoniques de Saout El Arab toujours encourageants, puissants et optimistes, ce qui nous mettait souvent du baume au coeur. Nous suivions ses interventions prudemment, et lorsque des interférences extérieures se manifestaient, nous distribuions le jeu de cartes sur la table, accompagné parfois d’une assiette de Zlabia pour faire diversion. Nous avions juste le temps d’éteindre le poste radio pour ne pas prendre de risques inutiles.

Dans le contexte de l’époque, il y avait aussi un personnage important et exceptionnel qui m’a prodigué des conseils pertinents, judicieux et d’une grande sagesse, il s’agit de Ali Mellah dit Nemeur qui était commandant de l’ALN. C’était un révolutionnaire au plein sens du terme. Son père est originaire de Marouana (Aurès) et sa mère Ma Taoues est d’origine kabyle. C’est lui qui avait insisté pour que je fasse du scoutisme et c’est encore lui qui m’expliqua pourquoi il fallait que mon passage dans le maquis soit écourté. Il était en contact avec tous les responsables qui avaient déclenché la révolution. La génération de son époque lui vouait beaucoup de respect. Je reviendrai sur d’autres aspects intéressant Ali Mellah, notamment sur le plan relationnel et familial mais toujours en lien avec l’histoire.

Je dois souligner que ces éléments liés à l’éco-système politique et sécuritaire qui prévalait alors ne m’auraient certainement pas permis à eux seuls de concrétiser mon engagement sans la relation que je venais de nouer avec un neveu du capitaine Benhamza, officier de l’armée française, rapatrié d’Allemagne, accompagné de sa femme française.

Benhamza était sollicité par le Général Parllange commandant les troupes françaises, souvent en inspection dans la région.

Son neveu, ayant des lacunes en français, se retrouva avec moi aux cours du soir chez le professeur Saint Jean, instituteur de Provence, d’une rigueur à la Robespierre.

Les événements qui venaient de se déclencher à Batna et dans la région allaient perturber notre scolarité. Certains enseignants préférèrent se regrouper à Constantine, d’autres furent rapatriés en France.

Poursuivre la scolarité ou s’engager dans la lutte de libération ?

Nous voilà finalement tous devant un dilemme : aller à l’école que dirige un Algérien du nom de Benghezal, originaire d’El Kantara et futur beau père de Abdelhamid Brahimi, qui deviendra Premier ministre sous le Président Chadli de 1984 à 1988, ou alors renoncer à la scolarité ? Je me permets une digression pour préciser qu’en 1955/1956, Brahimi fréquentait le lycée de Batna pour préparer son baccalauréat. Il venait en début de semaine de Constantine en empruntant la société de transport de ma famille, la STAB (Société des transports automobiles batnéens). J’évoquerai de nouveau Brahimi ultérieurement à la faveur d’un autre événement impliquant la STAB.

Pour en revenir à Benhamza, il est important de préciser qu’il m’assurait l’entrée libre à la caserne où il habitait; les militaires, souvent des appelés d’origine algérienne, finirent par sympathiser avec nous. Ils nous demandaient souvent de leur rapporter des cigarettes, du tabac ou autres produits tels que savonnettes, savon à barbe, dentifrice et, à l’occasion des fêtes, des gâteaux tels que les Makrouds.

La désertion de Farahi Ramdane et Djeribi Hamma

Le hasard a voulu que, parmi tous ceux que nous avions aidés à déserter, se trouvent deux jeunes, Farahi Ramdane et Djeribi Hamma.

Farahi Ramdane, petit algérois de Kouba, cherchait une salle de boxe à Batna. Il participera à la guerre d’octobre 1973 et à la traversée du canal Suez. Il fera partie des troupes algériennes dépêchées par Boumediene en Egypte, et sera grièvement blessé avant d’être rapatrié en Algérie où il finira aveugle. Il termina sa carrière avec le grade de capitaine.

Quant à Djeribi Hamma, un gars de Tébessa, il cherchait un contact sérieux pour déserter, après une longue période de mise à l’épreuve caractérisée par des vols de munitions, de grenades, etc, je suis arrivé à le mettre, ainsi que Farahi Ramdane, en contact avec des moussebilines qui les ont pris en charge avec armes et bagages, condition sine qua non pour leur incorporation dans les rangs de l’ALN. On leur indiquera le lieu du rendez-vous, à la sortie du camp, quartier des casernes des militaires de l’armée Française.

Il existait à l’époque une porte qui permettait de sortir de la ville. La désertion se déroula dans les meilleures conditions. Djeribi et Farahi rejoignèrent le 1er groupe de moudjahidine dans la région de Oustilli.

El Hadj Lakhdar, qui commandait la région, les affecta dans la zone d’Ain Touta où les effectifs manquaient d’encadrement, jusqu’à l’arrivée de Salah Nezzar qui a déserté avec son groupe lui aussi avec armes et bagages; cet ancien d’Indochine fera parler la poudre dans la région.

N’étant pas à leur poste de garde, cela a provoqué un branle-bas de combat dans la caserne et la mise sous scellés de tous les fusils sous une chaîne cadenassée.

Le commandant de l’unité, sachant que, sans aucune complicité extérieure, cette désertion n’aurait pas eu lieu, et après voir enquêté à l’intérieur de la caserne, s’est mis à ma recherche; il finira par me localiser plus ou moins par l’intermédiaire des sentinelles de veille.

Une mise au vert à Constantine

Alerté par un autre conscrit qui se préparait à prendre le chemin du maquis sans armes puisque le commandant les avait mis sous cadenas, j’ai eu juste le temps de partir à Constantine et de me mettre au vert chez la tante de ma grand-mère, Mme Ait Ahcène, mère de Ait Ahcène Meziane avocat stagiaire chez maître Benbahmed alors célèbre avocat de Constantine.

Ait Ahcène Meziane a rejoint la délégation extérieure du FLN, juste après les évènements de Constantine de 1956. Il fut blessé à Bonn en Allemagne par la main rouge après avoir échappé à une liquidation par cette même organisation à Constantine, une montre de poche lui sauva la vie (l’ex rue Ampère à Alger porte son nom). Ferhat Abbès et lui sillonnèrent l’Amérique Latine pour expliquer la justesse de notre cause.

La tante de ma grand-mère était aussi la sœur de Amar Cheikh qui a pris le maquis en 1945. il fut l’adjoint de Krim Belkacem et responsable de la région de Ain El Hammam. Encerclé puis tué par l’armée française avec son commando en protégeant le congrès de la Soummam. Pendant son règne dans la région de Ain El Hammam, il sévira avec beaucoup de rigueur (malheur à celui qui bouge), il ne laissera pas de bons souvenirs dans la région…

Mon départ pour la France

De retour de Constantine à Batna, mon père avec la complicité de Maître Sisbane avocat de la famille, organisa mon départ pour la France, d’abord sur Alger. A l’époque « Maison Blanche » . Il réussira à me mettre dans un Breguet deux ponts avec des émigrés, le voyage a été des plus pénibles, placé à côté des moteurs dont le bruit était insupportable. Je suis arrivé à Paris sourd des deux oreilles, il me fallait plus d’une journée pour retrouver l’ouie.

Du Bourget à la rue des Rosiers, à St Ouen, j’ai marché sous une pluie battante, et je devais à chaque fois interpeller des passants pour m’indiquer le chemin. Je suis arrivé aux alentours de 17 heures à l’adresse où résidait mon cousin, trompé jusqu’aux os.

Après un bon bain bien chaud, on me servit un couscous kabyle avec, comme légumes, chou, pommes de terre plus carottes, qui n’avait rien à voir avec celui de ma mère, essentiellement avec karde (Khorchef) et navet sauvage – left saidi, qui dégage un fumet agréable.

Des compatriotes de Ain El Hammam

Le lendemain, et après une nuit de repos, je fais la connaissance des autres occupants de l’appartement, tous du même village de Kabylie (Teskenfout – Azrou – EL Karn) situé à 4 Km de Ain El Hammam ex Michelet, village célèbre où vécurent de grandes familles (Oussedik, Ait Ahmed, Si Ghozali et d’autres familles maraboutiques). La secte maraboutique mystique avait beaucoup d’influence dans la région, avant le déclenchement de la révolution, ses membres étaient utilisés dans les relations avec l’administration française surtout dans les conflits inter-villages.

Cette communauté d’émigrés vivait en bonne entente et les tâches étaient bien réparties entre eux d’autant plus qu’ils travaillaient en deux équipes dans deux entreprises dans le même quartier. L’appartement était toujours animé et le voisinage essentiellement français ne posait aucun problème, souvent ils s’invitaient entre eux pour un bon couscous bien arrosé.

J’ai quitté cette ambiance rapidement, malgré l’emploi que les camarades m’avaient trouvé dans une compagnie MORS qui fabriquait des obus de canon et reconvertie dans les premières fabrications de machines à laver. La réglementation ne m’assurait pas un paiement complet pour un travail, j’avais droit à un demi salaire, j’ai dû renoncer à cet emploi, pour des considérations diverses, notamment la réglementation du travail qui exigeait pour un salaire complet, un âge de dix huit ans révolus

A Choisy le Roi, c’est dans une verrerie que j’ai atterri puisque j’étais logé avec mes beaux-frères dont la sœur était mariée à un gars de leur village, véritable nabab dans cette banlieue; ayant participé à la résistance française, il bénéficiait de tous les privilèges et reconnaissances dus à ses exploits d’aide à la résistance.

Mon passage dans les maquis

Je rappelle qu’avant d’embarquer pour Paris, j’avais fait un court séjour dans le Djebel avec des velléités de rejoindre mes déserteurs – Ferahi Ramdane et Djeribi Hamma. J’ai remis au frère Abdessemed des produits alimentaires, boites de sardine, confiture et autres conserves récupérées sur les stocks de l’armée française, des dattes secs « kentichi . Les grenades furent prélevées dans la chambre qu’occupait un policier algérien dans l’hôtel de mon père, ensuite requisionné par la police qui occupa tout l’établissement.

Un mulet bien rempli, nous abordâmes la montée de Oustilli, vers les premiers contre-forts des Aurès. Après deux bonnes heures de marche, surgit de broussailles, le premier jeune maquisard, carabine américaine sur les épaules; après les premiers salamalek, il se chargea de nous guider vers le premier campement à l’air libre que commandait Tahar Ouchène et où s’affairaient les djounouds, les uns se lavaient directement dans le ruisseau, d’autres lavaient leur linge ou nettoyaient les armes.

C’est dans ce contexte que nous avions appris que Mostefa Benboulaid, après son évasion de la prison d’El Koudia, s’était réfugié durant deux mois dans une maison forestière pour reprendre des forces, mais surtout par sécurité, car il n’avait confiance qu’en L’hadj Lakhdar. Durant sa détention, la région connut des troubles dus pour l’essentiel aux ambitions des uns et des autres relevant de diverses factions pour commander la région (Wilaya 1)

Cheikh Youcef Ayalaoui lieutenant et commissaire politique s’étonna de me voir habillé comme pour aller à l’école, il me débrouilla tout de suite une kachabia et des pataugas un peu larges pour mes pieds, j’ai dû à mon corps défendant les rembourrer avec des journaux et des chiffons pour ne pas tomber.

Le séjour fut ponctué par un bombardement intensif de l’armée française, suivi d’un ratissage des plus violents qui durera trois jours. Après notre décrochage, la décision fut prise de rentrer sur Batna, n’étant pas mobilisable, les conditions étaient rudes et l’organisation tribale rendait difficile mon incorporation ainsi que celle des autres citadins venus après moi.

Au moment où je me trouvais au maquis, 12 jeunes de Batna, dont les frères Bouabssa, qui voulaient rejoindre les rangs de la lutte, tombèrent dans une terrible embuscade de l’armée francaise et d’un groupe de harkis que le général Parllange avait mis sur pied, le GMPR (Garde Mobile de la Police Rurale) et qui a essaimé dans les campagnes pour noyauter les populations. Les membres de ce groupe s’infiltraient souvent dans les hameaux pour piéger les djounouds qui s’aventuraient à rejoindre leurs familles pour se restaurer et se reposer un peu au risque de leur vie.

L’Hadj Lakhdar que nous n’avons pas rencontré, nous demanda de rejoindre l’Ouidadia en France (Fédération); j’étais loin de me douter que lui-même avait fait un long séjour en France, où il travailla et se forma déjà à la politique de la lutte de libération dans le cadre du PPA-MTLD, juste au sortir de la deuxième guerre mondiale…

ML.Chikhi

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De Vadnay à Thol : Quelques faits marquants de notre détention

Posté par imsat le 6 décembre 2022

De Vadnay à Thol 
 
Quelques faits marquants de notre détention
Mohamed Larbi Chikhi dit Babi
 
Avant notre transfert à Thol dans l’Ain et comme à son habitude, l’administration du camp de Vadnay procéda à l’appel des prisonniers. Au fur et à mesure, nous fûmes menottés et installés dans les véhicules.
Le voyage jusqu’au camp de Thol va durer toute une journée avec un arrêt a Bourg-en-Bresse pour nous permettre de manger un morceau.
Dès notre arrivée à destination, les représentants du camp organisèrent très rapidement notre installation dans des baraquements.
Pour le dîner, on nous servit une soupe de poireaux, et quelques pommes de terre à l’eau.
En guise de dessert, on nous donna une pomme. C’était la première fois que nous y avions droit.
La fatigue finit par avoir raison de nous. Avant d’aller nous coucher, nous avions désigné les responsables qui devaient communiquer les renseignements concernant notre transfert.
Mohamed Slim Riad s’occupa de cette mission.
Formation politique 
Le lendemain, après le petit-déjeuner, une réunion de mise au point eut lieu avec les membres du comité du camp, on s’assura que tous étaient des membres du FLN dont certains parmi nous acceptèrent de faire partie.
Bien sûr, nous apportâmes des améliorations, notamment en formation politique pour maintenir présente à l’esprit la cause nationale, et décidâmes l’observation d’une minute de silence tous les vendredis.
Cet encadrement était aussi important et nécesssaire pour la discipline et la cohésion générale du camp. Il s’agissait aussi d’agir de telle sorte que nous prenions notre mal en patience d’autant que nous n’avions aucune indication sur le sort qui nous serait réservé.
Une fois les repas liquidés, chacun organisa son temps libre comme il voulait ; certains écrivaient leur courrier, d’autres jouaient à la belote ou aux dames. On déplorait très peu d’incidents, il y avait surtout des petits malentendus à cause des corvées journalières. Il fallait de toute façon éviter l’oisiveté et le ressassement autour de questions inutiles qui risquaient d’assombrir les perspectives.
Pendant  notre détention, nous fûmes  surpris  de trouver un musicien parmi nous, il était accordéoniste. L’administration du camp avait toléré qu’il joue de son instrument de temps à autre. C’était un véritable virtuose, il nous accompagnait dans nos chants  patriotiques, surtout le magnifique et puissant Min Djibellina (de nos montagnes…), nous étions aussi ravis puisque il sera lui aussi transféré en même temps que nous de Thol à Vadnay, avec son instrument.
Près de 1000 détenus
Les équipes chargées de ramener la pitance devaient sortir du camp pour le faire. Les ustensiles étaient lavés par nos soins, les douches fonctionnaient et nous y avions droit à tour de rôle.
Nous étions pas loin de 1000 détenus, il fallait faire en sorte que tout se passe globalement correctement au quotidien, au triple plan relationnel, mental et collectif.
Nous pratiquions tous les sports.
Le football restait évidemment le sport fédérateur qui réunissait tout le monde dans le périmètre du camp.
C’était d’ailleurs le seul moment où les gardes mobiles cessaient de tourner dans le chemin de ronde qui entourait le camp.
Souvent, le Commissaire Gavoury assistait à nos matchs, au milieu des spectateurs.
Tentatives d’évasion de Slim Riad et autres compagnons
Il n’y a jamais eu d’incidents majeurs jusqu’à la tentative d’évasion de Mohamed Slim Riad et ses compagnons qui furent d’ailleurs tous repris, faute de soutien à l’extérieur et de cartes de la région.
Isolés quelques jours, nous voilà de nouveau retransférés à Vadnay où soi-disant les conditions de sécurité étaient plus draconiennes.
Cela n’a pas empêché Slim de récidiver en creusant un tunnel sous les baraquements. Malheureusement, comme tous les détenus voulaient quitter le camp où la vie n’était pas une sinécure, loin s’en faut, l’administration a vite découvert le pot aux roses:  une fouille systématique a mis à jour le trou du tunnel. « Bravo les gars !  » a crié le Directeur, ce sera pour la prochaine fois.
Ceux qui ont réussi à prendre la fuite ont fini par être repris, isolés quelques jours avant de réintégrer le camp. Certains, parmi eux, étaient libérables quelques jours après. Il fallait prendre son mal en patience.
Dès janvier 1960, les libérations pour quelques-uns commencèrent.
Il s’agissait souvent de personnes malades, de pères de familles ou encore de privilégiés en faveur desquels des personnalités françaises avaient intercédé.
Avant de clore ce chapitre, je n’omettrais pas de rappeler que Slim Riad s’est beaucoup inspiré de notre détention dans les camps pour réaliser son oeuvre cinématographique aprés l’indépendance du pays.

ML Chikhi dit Babi

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L’impérieuse reprise de contact avec l’Organisation

Posté par imsat le 26 novembre 2022

L’impérieuse reprise de contact avec l’Organisation

Mohammed Larbi Chikhi dit Babi

Aussitôt libéré du camp de Vadnay dans la Marne après une détention qui a duré d’août 1958 à janvier 1960, il fallait absolument que je renoue sans tarder avec l’organisation. Je pris attache avec Belbachir, mon successeur à la tête de la région. C’est lui qui me fit savoir que le responsable de la zone, Alian Si H’mimi m’attendait à la sortie du métro Playel le 17 janvier 1960, à partir de 10 heures, un journal à la main gauche. Bien plus tard que dix heures, le voilà à son tour émergeant de la bouche du métro. Je le suivis d’abord à distance puis le rattrapai, nous fîmes quelques pas ensemble, il me questionna sur ma situation, me recommanda de quitter définitivement le secteur de St Ouen, et me remit une enveloppe contenant de l’argent pour me permettre de tenir, en attendant ma prochaine affectation, qui ne va pas tarder. Il insista pour que je fasse très attention, la police à cette époque était très active.

Quelques jours plus tard, il me fit savoir que mon prochain contact était prévu Porte d’Orléans, Bd Jourdan, sur le même trottoir que l’hôpital universitaire, et que la personne que je devais rencontrer me connaissait parfaitement.

Le jour J je me suis donc déplacé, comme convenu, porte d’Orléans. A la sortie du métro, j’ai acheté  la première édition du Monde avant de m’installer à l’intérieur de la brasserie qui faisait l’angle du boulevard. J’étais arrivé longtemps à l’avance, il faisait un froid de canard, je n’étais pas encore chaudement habillé, j’ai commandé un café et décidé de rester au chaud en attendant mon contact qui devait arriver d’un moment à l’autre.

Au bout d’un long moment, le voilà qui descend d’un bus, et je m’aperçois que c’est Ait Abdeslem Ramdane dit Casquette. Comme à notre habitude, je le suivis longtemps avant de l’aborder, sécurité oblige, m’assurant qu’il n’était pas suivi. Je presse le pas pour le rattraper. Les retrouvailles sont chaleureuses.

Casquette n’avait pas du tout changé physiquement, je lui trouvais une certaine ressemblance avec l’acteur Jacques Palance, maigre comme un balai, le visage émacié, le regard direct. Quand il parlait, on avait l’impression qu’il était en colère. Nous continuons de marcher tout le long du boulevard Jourdan, nous nous arrêtons pour siroter un café. En peu de mots, il m’expliqua ma mission, me mit en garde contre les harkis qui venaient de s’installer dans le 13è arrondissement. Je lui fis part de ma situation financière. Il en prit bonne note mais avant de nous quitter, il partagea une bonne partie de sa permanence avec moi.

Rencontres et retrouvailles salutaires

Au lieu d’aller vers la Place d’Italie, j’ai préféré remonter le Bd Jourdan dans le sens inverse en changeant simplement de trottoir ; à nouveau je longeais  le mur  de la cité internationale universitaire, un magnifique bâtiment, de la pelouse partout, je suis resté émerveillé devant la propreté des lieux.

Sans me douter un seul instant que le hasard et la rencontre avec un égyptien copte, étudiant à la Sorbonne, vont me permettre d’élire domicile à la fondation allemande toute proche de la porte principale. Cette planque va me permettre, et ce sera souvent le cas, d’héberger un de  nos responsables, Si Ahmed, surtout au moment où il doit rédiger  son rapport.

La chambrée était dotée d’une douche, et autres commodités minimales Pour les repas, notre bienfaiteur nous procurait des tickets pour le self-service qui fonctionnait à merveille. Il fallait se mettre au milieu de la file des étudiants pour ne pas avoir à montrer la carte d’étudiant. Notre bienfaiteur, qui nous accompagnait au début, s’était arrangé pour nous faire connaitre des surveillants. Bien sûr, nous évitâmes d’exagérer de cette facilité. Je regagnais cette tanière souvent très tôt pour ne pas risquer de faire de mauvaises rencontres le soir. Un peu plus tard, mes cousins Ali et Salem, des techniciens de Shell, me proposèrent de venir vivre avec eux dans le 17ème arrondissement (rue Léon Joste) pas loin de la Place des Ternes. C’est ce que je fis mais pas pour longtemps puisque grâce à eux et à leur entregent dans le milieu pétrolier, ils me trouvèrent un emploi dans le XII arrondissement avec un studio au-dessus de la station-service.

Le soutien appréciable de C.Barnnu

Le gérant de cette station, Christian Barnnu, était un ancien rapatrié de Tunisie suite à l’affaire de Bizerte. (Pour rappel, le président Bourguiba avait décidé de reprendre la souveraineté de la Tunisie sur la base de Bizerte; la France, comme à son habitude, a utilisé la force militaire présente en Tunisie pour se maintenir. Les  éléments de l’ALN présents à ce moment-là en Tunisie donnèrent un coup de main aux militaires Tunisiens)

Barnnu s’avèrera lui aussi être une bonne recrue pour nous; sa station servira de point de chute pour camoufler les véhicules de l’organisation, pour déposer les fonds et permettre souvent aux frères recherchés de trouver un gite pour la nuit avant d’embarquer pour l’Allemagne, le Maroc ou la Tunisie devenus incontournables dans le quartier du Faubourg St Antoine, Ledru Rollin.

Les marchands de meubles me connaissaient tous, je prenais soin de leurs véhicules qu’ils bichonnaient plus que leur maitresse. Mais cette notoriété commençait à me porter préjudice. Des éléments du groupe de choc armé, de la région du XII arrondissement qui ne dépendait pas de notre secteur, se sont fait interpeller par deux motards en maraude sur le Bd St Antoine. La réaction de ses éléments a été rapide; au lieu de présenter leurs papiers d’identité, ils ont tiré sur les policiers, l’un s’effondra, l’autre réagira à son tour puis a blessé mortellement un de nos éléments.

Le quartier généralement bien calme était devenu dangereux, il fallait que j’évacue une fois de plus les lieux. Mais pendant mon séjour, je ralliais rapidement le quartier Latin où je continuais à activer à l’aise. Nos intellectuels aimaient bien déambuler le long du Bd St Michel dans les deux sens à la rencontre de nouveaux visages ou encore d’informations sur les évènements du bled. Certains se retrouvaient au 126 Bd St Michel ex siège de l’Ugema, mais aussi au restaurant universitaire des étudiants Algériens très surveillé par la police. Les sorties ne se faisaient jamais individuellement, il fallait toujours sortir par groupe pour permettre aux permanents du FLN présents à l’occasion, de transmettre des directives ou pour différents contacts à prendre, de s’en aller et de se fondre dans la masse.

Ce quartier va connaître un peu plus de notoriété et cela grâce à la grande manifestation du 17 octobre 1961 que le FLN décida d’organiser. Cette action qui suscitera l’intérêt grandissant des médias internationaux apparaîtra aussi d’une certaine manière comme le prélude aux évènements de mai 1968 qui vont ébranler les institutions de la 5ème République et précipiter le départ du général de Gaulle du pouvoir.

 

ML Chikhi dit Babi

 

 

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25 août 1958 et 17 octobre 1961

Posté par imsat le 28 octobre 2022

Une fructueuse résonance internationale

 Mohamed Larbi CHIKHI dit Babi

Pour rester dans le sillage des années 55/56, évènements qui ont porté la lutte de libération au paroxysme de la guerre et son non-retour, les 25 août 1958 et 17 octobre 1961 vont constituer à leur tour des dates extrêmement importantes dans l’évolution de la conduite du combat libérateur.

Et elles le sont à plus d’un titre.

D’abord, elles marquent l’extension territoriale, stratégique et politique de la lutte de libération nationale.

En effet le combat devait absolument se propager sur le territoire de la France métropolitaine pour que son impact à l’international soit plus significatif.

Ensuite, il fallait faire en sorte que cela coïncide avec la chute de la 4ème République et le retour de De Gaulle au pouvoir dans le sillage duquel est née la 5ème République.

Il fallait par conséquent faire passer un message clair à De Gaulle et à la nouvelle direction politique française sur l’inéluctabilité de la poursuite de la guerre de libération nationale jusqu’à la victoire finale.

Enfin, s’agissant des manifestations du 17 octobre 1961, on ne dira jamais assez qu’elles ont largement contribué à hâter la fin de la guerre tout en prouvant l’engagement plein et entier de la Fédération de France du FLN, de ses cadres et militants, de ses sympathisants dans la lutte pour l’indépendance du pays.

Cette connexité stratégique n’a pas été le fruit du hasard, elle n’a pas surgi ex nihilo. Elle a été mûrement réfléchie par la direction du FLN dans le cadre global des conditions à consolider pour la poursuite et l’intensification de la guerre de libération.

Il fallait faire bouger les lignes à l’international. Voilà pourquoi les événements en question ont été marquants et ont influé sur le processus visant la fin de la guerre d’Algérie dans un contexte politique international favorable et propice à la décolonisation.

Concernant précisément le contexte international, il était en effet favorable à notre cause, et nous étions conscients, au sein de la Fédération, du fait que l’action armée, l’engagement sur le terrain militaire étaient devenus incontournables pour globaliser le dossier algérien et faire entendre la voix de l’Algérie combattante par tous les moyens disponibles.

La décolonisation devait désormais prendre forme sur tous les terrains (diplomatique, politique, militaire…) pour bien montrer que le mouvement y afférent était total et qu’il ne tolérait ni atermoiements ni recul.

Et aussi bien l’impulsion que l’initiative du processus devait revenir tout légitimement au colonisé qui affichait sa volonté de se libérer de ses « complexes » quant à l’utilisation des armes contre le colonisateur.

Il devenait donc absolument nécessaire de relever le défi sur le territoire même du colonisateur, en présence de son peuple qui, lui, assiste, médusé, à la manifestation de tant de courage et de bravoure de la part de nos commandos face à leurs ennemis malgré l’inégalité des moyens.

Les attaques de nos forces un 25 Août 1958 viennent également rappeler que la guerre ne fait que commencer sur un autre terrain, celui de l’épreuve de force, de l’affrontement direct sur un territoire que beaucoup croyaient sanctuarisé et inattaquable. 85 de nos éléments sont tombés en martyrs dans différentes attaques menées plusieurs jours durant contre des sites et objectifs stratégiques à travers le territoire français.

Cette offensive à caractère militaire mérite non seulement d’être mise en évidence et commémorée chaque année au titre du devoir de mémoire, mais elle gagnerait aussi et surtout à être traitée par nos historiens et universitaires.

Il s’agit d’expliquer avec force détails pourquoi et comment la jonction des stratégies internes et externes du FLN devait s’effectuer et donner lieu à des actions de type militaire.

Il était important de montrer de la détermination dans le processus de dissémination de la lutte de libération nationale, et de prouver concrètement que le discours politique et diplomatique du FLN se traduisait systématiquement sur le terrain de la lutte armée, y compris dans l’Hexagone.

Quant aux manifestations du mois d’octobre 1961, sous la direction du FLN, elles offrent encore une autre lecture a insérer dans le contexte de la lutte que nous menions déjà vers la lutte finale.

Étant entendu que les forces nationales et internationales avaient choisi leur camp, et que la bête était terrassée, vaincue par nos militants qui ont accepté de sortir ce soir du 17 octobre 1961 les mains nues, bravant le préfet Maurice Papon et la répression qu’il a ordonnée. Ce fut sa dernière erreur,

Le fleuve où il croyait pouvoir dissimuler sa perfidie, continue à briser le silence en rappelant aux uns et aux autres « qu’ici on noie les Algériens » et qu’au Vel d’Hiv, en 1958, la rafle des Algériens a laissé les traces indélébiles des méthodes nazies, contre les juifs en juillet 1942. Les supplétifs de l’époque vont exercer les mêmes méthodes contre les Algériens au même endroit et partout où ils se trouvent.

 

 M.L CHIKHI, ancien détenu et permanent de la Fédération de France du FLN  (1957-1962)

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Manifestations du 17 octobre 1961: Une préparation minutieuse

Posté par imsat le 16 octobre 2022

Manifestations du 17 octobre 1961
Mohamed Larbi Chikhi dit Babi
En réponse au Préfet de Paris, Maurice Papon,  qui avait instauré le couvre-feu pour les « Français musulmans » à partir de 20h, la décision fut prise par les responsables de la Fédération de France du FLN d’organiser une manifestation à Paris après accord du GPRA.
C’était évidemment facile à dire, mais la perspective de sa concrétisation sur le terrain paraissait un peu compliquée.

Nos militants et sympathisants, pour la plupart ouvriers, sortis de leur quartier, étaient en effet perdus, ils ne connaissaient en général qu’une seule ligne de métro ou un trajet en autobus qu’ils empruntaient régulièrement pour aller travailler et rentrer le soir.

Aussi, leur demander de prendre le métro et de changer de station et d’itinéraire, n’était a priori pas possible.  En tout cas, c’était compliqué et risqué.

Quand ils s’aventuraient dans d’autres quartiers, ils s’arrangeaient pour se faire guider par quelqu’un qui connaissait l’itinéraire. C’était le cas pour aller à Barbès ou souvent aux Puces, Porte de Clignancourt ou d’autres quartiers où résidaient des membres de leur famille.

Un travail considérable en amont des manifestations  

Commence alors pour nous un travail de préparation et de sensibilisation des différents responsables qui vont encadrer cette manifestation.

La police est sur les dents, elle multiplie les rafles, les perquisitions, les arrestations. Les cadres de la fédération FLN sont détenus pendant plusieurs semaines au Centre de Vincennes puis libérés au bout de quelques jours pour la majorité d’entre-eux.

Malgré les risques encourus, il fallait à tout prix expliquer le Ba-Ba de cette manifestation et surtout la garder secrète. Nos cadres se déployèrent dans les quartiers de la wilaya 1 qui regroupait les 13è 14è 15è et 5è arrondissements.

Le point de ralliement et l’itinéraire de la manifestation (Gare du Luxembourg comme point de départ de la manifestation-Boulevard St Michel-Pont St Michel et continuation jusqu’à la préfecture de Police) furent gardés secrets jusqu’à la dernière minute.

Les consignes sur l’absolue nécessité d’entourer les préparatifs de la manifestation d’une discrétion sans faille furent scrupuleusement respectées à tous les niveaux de l’organisation. Le succés de la manifestation en dépendait largement. Nous en étions tous conscients.

Le matin du 17 octobre, rendez-vous est pris avec le comité du groupe intellectuel au café le Départ, rue Gay Lussac.

La contribution des fonctionnaires « Français musulmans »

Notre force de frappe pour la journée reposait sur les fonctionnaires « Français musulmans », des différentes administrations françaises.

Ces fonctionnaires étaient structurés dans le groupe intellectuel avoisinant plus de 150 cadres. Il fallait à tout prix veiller à rapporter des informations précises et utiles et s’assurer en particulier que les services de police n’avaient pas vent de la manifestation.

Jusqu’à 19 h, rien n’avait filtré. Le pari était gagné.

Libérés de cette mission, nos gars regagnent leurs domiciles. (Les cadres n’ont pas le droit de manifester pour ne pas destructurer l’organisation en cas d’arrestation)

Avant de m’éclipser à mon tour de la réunion, j’ai décidé de descendre le Boulevard St Michel jusqu’au croisement du Bd St Germain des Près.

En face de moi, les premières vagues impressionnantes libérées par la bouche du métro St Michel pressent le pas pour arriver à la gare du Luxembourg, point de départ de la manifestation.

A ce moment précis, un panier à salade descend vers la préfecture de Police, effectue une manœuvre sur place pour rejoindre à nouveau le commissariat du Panthéon et donner l’alerte.

Moi-même, j’ai dû battre en retraite et emprunter la rue Champolion, avant de déboucher sur la place de la Sorbonne où j’attendis que la manifestation démarre pour me permettre de rallier la gare du Luxembourg, aux alentours de 21 h.

La rame de métro était à l’arrêt, en attente des instructions sans doute. Ce fut la dernière. Plusieurs autres cadres se trouvaient dans le même wagon, je fus le seul à descendre à Sceaux. Nous avions eu de la chance.

Les jours d’après, nous nous sommes consacré avec d’autres cadres à recenser les dommages occasionnés à l’organisation par la répression qu’a déclenchée Maurice Papon contre nous.

Une répression féroce

A aucun moment, nous n’avions imaginé le nombre élevé d’arrestations ni hélas celui très important des disparus.

En ce qui concerne le nombre de morts, nous n’avions à ce moment-là aucune information précise. Le communiqué du Ministère de l’Intérieur annonce 3 morts.

Il fallait attendre que le fleuve (La Seine) nous rende les corps et que des enquêtes soient diligentées auprès de l’institut médico légal pour nous rendre compte de l’incommensurable catastrophe, un véritable génocide.

Les nombreux blessés étaient transportés par des bénévoles vers les hôpitaux ou des endroits sûrs, ce qui a permis d’éviter les liquidations physiques sur place.

Un rapport détaillé fut rédigé par le chef de Aamala (super zonal), Mohamed Ghafir dit Moh Clichy, rapport d’ailleurs repris par nombre d’historiens étrangers qui ont relaté cette répression aveugle, sanglante et complètement disproportionnée par rapport aux enjeux ; d’autant qu’a cette date les jeux étaient faits, nous étions à cinq mois du cessez-le-feu.

La répression à laquelle va se livrer le Préfet de Police, couvert, faut-il le rappeler, par le Premier Ministre Michel Debré et le ministre de l’Intérieur Roger Frey, dépasse en horreurs tout entendement humain.

Les informations des médias français avaient commencé par relativiser l’ampleur de la manifestation, alors que le cœur de Paris était occupé de même que les grands Boulevards – Place de l’Opéra – Place de la Concorde –vers Matignon – Pont de Neuilly etc…

L’histoire retiendra que cette répression a fait des milliers de blessés et entre 200 et 300 morts parmi les manifestants algériens, tel que rapporté par l’historien Jean Luc Einaudi dans son livre La Bataille de Paris : 17 octobre 1961, consacré à l’évènement, après plusieurs années d’enquêtes acharnées. Ces chiffres sont attestés depuis, par la plupart des autres historiens sérieux qui ont travaillé sur la guerre d’Algérie.

Mais des deux côtés, il ne fallait pas lâcher la pression.  L’OAS inquiétait au plus haut point le gouvernement français qui savait que cette organisation jouait sa dernière carte.

Ouvrir les archives et éclaircir les crimes de la police de Paris

Je ne vais pas refaire l’histoire des manifestations du 17 octobre. Tout ou presque a été dit, écrit et filmé sur cet événement historique qui a ébranlé les fondements de la République Française.

Il n’y a plus rien de fondamental à ajouter, hormis au sujet des archives à ouvrir et qui doivent également apporter des éclaircissements absolument incontournables et essentiels sur les crimes commis de sang-froid par la police de Paris dans la cour de la préfecture de police et lors de l’incursion dans les appartements du préfet Papon, comme rapporté déjà par la presse française de l’époque.

Longtemps après les manifestations, les partis politiques de gauche et les syndicats organisèrent une manifestation de solidarité avec le peuple Algérien et pour la paix immédiate, au cours de laquelle sont morts huit manifestants à la station de Métro Filles du Calvaire, massacrés par les gardes mobiles.

Leurs obsèques donnèrent lieu à d’autres manifestations impressionnantes, cette fois de citoyens français. De fait, en cette année 1961 et à quelques encablures du cessez-le-feu, nous venions de procéder à l’enterrement de la politique et des stratégies françaises sur l’Algérie. Nous mettions ainsi fin aux rêves que cultivaient les partis politiques français partisans de l’Algérie française.

Mohamed Larbi CHIKHI dit Babi

Permanent de la Fédération de France du FLN

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Août 1958…L’autre Vél d’Hiv

Posté par imsat le 24 septembre 2022

Lettre ouverte à monsieur Emmanuel Macron

Président de la République Française

Monsieur le Président, la commémoration des 80 ans de la rafle du Vél’d’hiv et l’hommage que vous avez rendu aux victimes juives forcent le respect.

Un tel « fardeau » pèse de tout le poids de la mémoire de chacune des victimes raflées et écrasées par la barbarie nazie jusqu’au dernier souffle de leur vie.

Vous avez prononcé des mots forts sous forme de promesses : « nous continuerons de la rappeler contre l’oubli, nous continuerons de l’enseigner contre l’ignorance, nous continuerons de la pleurer contre l’indifférence, nous continuerons d’en sonder les racines profondes et les ramifications nouvelles contre les résurgences du mal et nous nous battrons, je vous le promets, chaque petit matin car la France s’écrit par un combat de résistance et de justice qui ne s’éteint jamais».

Ces mots ont réveillé en moi le souvenir de ma propre détention. Oui, j’avais 18 ans quand je fus enfermé ainsi que des milliers de mes compatriotes, pendant des semaines, dans ce maudit lieu où résonnaient encore les cris des femmes et des enfants juifs avant leur déportation vers les camps d’extermination dans des wagons à bestiaux.

Le 25 août 1958, le FLN décide de déclencher des opérations commandos sur des cibles essentiellement stratégiques et militaires en métropole avec pour objectifs : desserrer l’étau sur les maquis en Algérie, diminuer la pression sur les populations, faire bouger les lignes sur le plan international et éveiller les consciences en métropole.

Surprise par les actions commandos et le retentissement international qu’a eu la destruction des installations pétrolières de Mourepiane, de la Cartoucherie de Vincennes, des Commissariats de police et de la base navale de Toulon, la police française va laisser libre court à sa violence et à sa haine du «bougnoule».

Ordre fut donné de rafler les Algériens à la sortie des métros, à la descente des bus, sur les boulevards, dans les foyers, dans les usines, dans les cafés…

Pendant des jours et des nuits nous fûmes entassés sur la piste du Vélodrome d’Hiver. Cette détention fut évidemment des plus pénibles. Le toit en verre sous le soleil d’août rendait l’air suffocant et le sol aussi chaud que le magma du Vésuve. Pas d’ombre où s’abriter, des jours à dormir à même le sol et à manger debout. Les sanitaires étaient pris d’assaut.

A force de suppliques et de cris, les gardes mobiles ont fini par ouvrir le toit une fois par jour pour nous permettre de respirer, et des espaces nous furent libérés par l’allégement du dispositif de surveillance.

Parmi nos compatriotes raflés, se trouvaient des fonctionnaires « français musulmans » qui furent vite libérés, ce qui leurs permit d’alerter l’opinion publique sur nos conditions de détention. Des familles ont commencé à affluer devant le Vél’d’hiv, créant attroupements et nuisances.

Certaines apportaient des vêtements, des médicaments, des biscuits ou autre nourriture.

Ces familles avaient été dirigées vers ce lieu par les commissariats de leurs quartiers. Des inspecteurs de police venus, munis de leurs fichiers, pour séparer le bon grain de l’ivraie, n’ont rien pu faire dans ce chaos.

Les élus locaux firent pression pour éviter au quartier un autre drame, la rafle de juillet 42 était encore fraîche dans les mémoires. Dans ce quartier habitaient aussi des juifs déportés.

Quelques jours plus tard, commencèrent alors les premiers convois d’expulsés vers l’Algérie, où ils furent internés dans des camps, pour la plupart jusqu’à l’indépendance.Quant à moi, je faisais partie d’un autre groupe. Nous eûmes droit, d’abord dans une première étape au gymnase de Jappy, pour nous voir signifier par des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur notre inculpation et la décision de nous incarcérer dans des camps militaires érigés spécialement pour cette opération, les prisons étant pleines.

Ainsi le 3 octobre 1958 à 10 h du matin, après des semaines d’une vie de chien, nous voilà donc transférés vers les camps du Larzac (Aveyron), de Thol (l’Ain), de Saint Maurice L’Ardoise (le Gard) et, pour ce qui me concerne, de Vadnay (La Marne).

Nous étions menottés trois par trois, reliés aux poignets de deux policiers.

Une fois dans le car, les policiers attachèrent les menottes à des mains courantes spécialement aménagées à l’intérieur du car. Ce trajet fut interminable avec un seul arrêt dans une caserne pour arriver tard dans la nuit à Vadnay.

Monsieur le Président « je vous écris du Vel d’hiv, de la faim, de l’attente et de la pagaille, des maladies, de tout l’enfer déshumanisant du confinement»[1] pour vous demander non pas un geste de repentance mais un acte de responsabilité, un geste fort pour rappeler que des milliers d’Algériens, personnes âgées, adolescents, humbles ouvriers, fonctionnaires sont également passés par ce lieu.La destruction du Vél’d’hiv en 1959 n’y changera rien, l’histoire de ce sinistre endroit nous appartient autant qu’à tous ceux qui y ont souffert.

Et parce que le vent du silence est partout le même, au nom des Raflés d’août 1958 victimes de l’arbitraire, au nom du devoir de mémoire, au nom du chantier colossal qui s’ouvre devant les historiens algériens et français pour établir les faits, je vous demande de rendre accessibles toutes les archives de la préfecture de police de Paris dirigée à l’époque par… Maurice Papon.

Mohamed Larbi CHIKHI dit Babi, ancien détenu et permanent de la Fédération de France du FLN

(1)Karen Taieb, Je vous écris du Vél’d’hiv. Les lettres retrouvées, Paris Robert Laffont, 2011.

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Bribes d’histoire -73-

Posté par imsat le 23 septembre 2022

L’histoire avec un grand H n’existe pas en soi, elle ne se construit pas ex nihilo. J’ai déjà eu à dire que l’histoire était un tout, une totalité hétérogène et qu’on pouvait l’appréhender de diverses manières, notamment par le biais de parcours individuels, d’histoires familiales, de récits fragmentés. Même quand, dans telle ou telle évocation nostalgique, je ne me suis pas référé directement à l’histoire (la grande histoire), je me suis toujours efforcé de baliser ma narration par des dates, le rappel de l’époque considérée, des éléments de contextualisation. L’histoire est une globalité qui transcende l’individu mais elle ne s’explique pas sans la micro-histoire, cet ensemble de destins individuels eux-mêmes interconnectés pour fonder, par exemple, une histoire familiale, levier potentiel d’une approche événementielle plus large. Je déroule cette réflexion en pensant naturellement à mes parents, à ma famille et plus généralement à l’histoire des Chikhi, en particulier dans son « volet » batnéen. Ce que j’en ai dit est évidemment dérisoire par rapport à la réalité, à son impact. Cette histoire a d’abord mis en exergue quelques individualités autour desquelles sont venus se polariser, s’agréger des aspirations collectives, et, en tout cas, des éléments psychologiques et socio culturels qui ont forgé une conviction commune, une conscience familiale comme on dirait une conscience collective. Qu’est-ce que cela représente à l’échelle du temps ? Autre question fondamentale: Ne suis-je pas dans une subjectivité totale en écrivant ce que j’écris, et peut-être aussi dans une vision tronquée du réel ? La question sur le rapport au temps, à la durée est toute relative. Je la soulève à ma façon mais on pourrait aussi la poser différemment. Et puis, tout dépend de l’angle sous lequel on l’appréhende (matériel, culturel, intellectuel, historique…). En vérité, mon idée première ne devait pas porter sur ces aspects; je voulais d’abord revenir sur ce qui a ralenti, entravé avant de le freiner complètement et de le marginaliser (ce verbe est-il adéquat ?) le rayonnement local et régional de la famille Chikhi, et, a contrario, sur ce qui aurait pu consolider, amplifier une expansion patrimoniale, socio culturelle, commerciale qui s’est quand même étalée sur près d’un siècle. Est-ce une affaire de cycle, autrement dit un processus qui n’avait pas vocation à s’éterniser ? Peut-être, mais en même temps toutes les hypothèses sont permises. La disparition dans les années 60 de certains membres de la famille, personnalités marquantes, charismatiques, influentes, explique t-elle en partie le début de la fin du cycle en question ? En tout cas, je ne peux m’empêcher de relever la concomitance des deux éléments.

Lamine Bey Chikhi

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Bribes d’histoire-72-

Posté par imsat le 19 septembre 2022

Une photo sur twitter montrant différentes variétés de la Baklawa. Belle prise et esthétiquement bien agencée.
Je l’ai retweetée en la titrant « A la recherche du temps perdu »
Je n’ai pas vraiment réfléchi avant d’écrire ce qu’elle m’inspirait. Et en dépit de ce à quoi elle pouvait renvoyer directement, je n’ai pas du tout pensé à l’oeuvre monumentale de Proust. C’est venu comme cela, spontanément, j’ai immédiatement associé l’image de cette excellentissime pâtisserie à des pans entiers de notre histoire familiale.
Je pourrais certainement dire la même chose de bien d’autres gâteaux et mets que nous avons eu le bonheur de déguster, d’apprécier, de sentir, des années durant.
J’ai déjà eu à souligner que la baklawa de ma mère et celles de mes tantes Djamila, Zakia et Saadia étaient incomparables. Ce n’était pas seulement une affaire de préparation, de saveur, de goût; de délicatesse, c’était aussi une question d’atmosphère, de convivialité, d’appréciation, d’harmonie. Chacun disait à sa manière ce qu’il en pensait, et cela était agréablement formulé à l’occasion des fêtes de l’Aid ou de rencontres familiales ordinaires. Et puis, nous nous amusions à faire des extrapolations, des comparaisons avec la baklawa des autres régions. C’était incontournable. Naturellement, la nôtre émergeait dans tous les cas; pour nous, c’était indiscutable et objectif. Les conversations autour de ce sujet ou de ce qu’il suggérait sur l’histoire de la famille se démarquaient complètement de celles auxquelles il nous arrivait de participer ou d’assister ailleurs, dans d’autres cercles, en diverses circonstances. C’était vraiment une autre époque. La photo dont il s’agit est très récente. J’en parle aujourd’hui en ayant une pensée émue et toute particulière pour ma chère mère décédée il y a exactement douze ans, le 19 septembre 2010. Paix à son âme. Allah yerhamha.
Lamine Bey Chikhi

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Bribes d’histoire -71-

Posté par imsat le 23 août 2022

« Je suis captif des mille êtres que j’aime. »
Je suis tombé par hasard sur cette formidable citation de Sully prudhomme.
Je devrais mettre le mot hasard entre guillemets parce que je crois qu’il y a quelque chose au-dessus du hasard, quelque chose de transcendant, de plus déterminant. Je pensais depuis quelque temps à ce qui pouvait expliquer et donc justifier que l’on puisse avoir des choix éclectiques et une panoplie de regards convergents par rapport aux personnes et aux sentiments qu’elles suscitent en nous (estime admiration, respect, empathie.. )
Je ne limite pas ce propos aux gens que l’on a pu côtoyer dans la vraie vie, je pense aussi aux artistes, aux actrices de cinéma, aux personnes inaccessibles du fait de leur statut.
« La vraie vie », Proust a dit cela de la littérature. Mais le cinéma aussi, c’est la vraie vie. Et il y a plus que des analogies entre les gens ordinaires que l’on connait dans le réel et les autres, ceux qui incarnent des personnages au cinéma ou dans des oeuvres littéraires. Je suis censé parler à la première personne du singulier puisqu’il s’agit d’une réflexion personnelle. Et je le fais parce que j’aime profondément le cinéma, je veux dire un certain cinéma, et une certaine écriture. Je le fais aussi parce que dans la vie courante, les téléscopages sont fréquents entre ce que j’observe, ce que je dis  et les livres que j’ai lus ou les films que j’ai vus. Souvent, il est d’abord question de comparaisons physiques. Je trouve, par exemple, que Nad ressemblait beaucoup à Nathalie Wood. Je m’en suis rendu compte récemment en retweetant une photo de l’actrice.
L’autre jour, à la faveur d’une conversation avec A, j’ai évoqué Rabeh et son souhait de finaliser la rédaction de son manuscrit relatif à la période qu’il a vécue en France à la fin des années 50 alors qu’il militait au sein de la Fédération FLN.
« Il avait du charisme, il ressemblait à Marlon Brando » me dit A. C’est vrai, je trouvais moi aussi que c’était le cas. Je me rappelle une photo le montrant dans la cour de notre maison, deux ou trois ans après son retour de France. Oui, il ressemblait bien à Brando…
Lamine Bey Chikhi

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