Bribes d’histoire-72-

Posté par imsat le 19 septembre 2022

Une photo sur twitter montrant différentes variétés de la Baklawa. Belle prise et esthétiquement bien agencée.
Je l’ai retweetée en la titrant « A la recherche du temps perdu »
Je n’ai pas vraiment réfléchi avant d’écrire ce qu’elle m’inspirait. Et en dépit de ce à quoi elle pouvait renvoyer directement, je n’ai pas du tout pensé à l’oeuvre monumentale de Proust. C’est venu comme cela, spontanément, j’ai immédiatement associé l’image de cette excellentissime pâtisserie à des pans entiers de notre histoire familiale.
Je pourrais certainement dire la même chose de bien d’autres gâteaux et mets que nous avons eu le bonheur de déguster, d’apprécier, de sentir, des années durant.
J’ai déjà eu à souligner que la baklawa de ma mère et celles de mes tantes Djamila, Zakia et Saadia étaient incomparables. Ce n’était pas seulement une affaire de préparation, de saveur, de goût; de délicatesse, c’était aussi une question d’atmosphère, de convivialité, d’appréciation, d’harmonie. Chacun disait à sa manière ce qu’il en pensait, et cela était agréablement formulé à l’occasion des fêtes de l’Aid ou de rencontres familiales ordinaires. Et puis, nous nous amusions à faire des extrapolations, des comparaisons avec la baklawa des autres régions. C’était incontournable. Naturellement, la nôtre émergeait dans tous les cas; pour nous, c’était indiscutable et objectif. Les conversations autour de ce sujet ou de ce qu’il suggérait sur l’histoire de la famille se démarquaient complètement de celles auxquelles il nous arrivait de participer ou d’assister ailleurs, dans d’autres cercles, en diverses circonstances. C’était vraiment une autre époque. La photo dont il s’agit est très récente. J’en parle aujourd’hui en ayant une pensée émue et toute particulière pour ma chère mère décédée il y a exactement douze ans, le 19 septembre 2010. Paix à son âme. Allah yerhamha.
Lamine Bey Chikhi

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Bribes d’histoire -71-

Posté par imsat le 23 août 2022

« Je suis captif des mille êtres que j’aime. »
Je suis tombé par hasard sur cette formidable citation de Sully prudhomme.
Je devrais mettre le mot hasard entre guillemets parce que je crois qu’il y a quelque chose au-dessus du hasard, quelque chose de transcendant, de plus déterminant. Je pensais depuis quelque temps à ce qui pouvait expliquer et donc justifier que l’on puisse avoir des choix éclectiques et une panoplie de regards convergents par rapport aux personnes et aux sentiments qu’elles suscitent en nous (estime admiration, respect, empathie.. )
Je ne limite pas ce propos aux gens que l’on a pu côtoyer dans la vraie vie, je pense aussi aux artistes, aux actrices de cinéma, aux personnes inaccessibles du fait de leur statut.
« La vraie vie », Proust a dit cela de la littérature. Mais le cinéma aussi, c’est la vraie vie. Et il y a plus que des analogies entre les gens ordinaires que l’on connait dans le réel et les autres, ceux qui incarnent des personnages au cinéma ou dans des oeuvres littéraires. Je suis censé parler à la première personne du singulier puisqu’il s’agit d’une réflexion personnelle. Et je le fais parce que j’aime profondément le cinéma, je veux dire un certain cinéma, et une certaine écriture. Je le fais aussi parce que dans la vie courante, les téléscopages sont fréquents entre ce que j’observe, ce que je dis  et les livres que j’ai lus ou les films que j’ai vus. Souvent, il est d’abord question de comparaisons physiques. Je trouve, par exemple, que Nad ressemblait beaucoup à Nathalie Wood. Je m’en suis rendu compte récemment en retweetant une photo de l’actrice.
L’autre jour, à la faveur d’une conversation avec A, j’ai évoqué Rabeh et son souhait de finaliser la rédaction de son manuscrit relatif à la période qu’il a vécue en France à la fin des années 50 alors qu’il militait au sein de la Fédération FLN.
« Il avait du charisme, il ressemblait à Marlon Brando » me dit A. C’est vrai, je trouvais moi aussi que c’était le cas. Je me rappelle une photo le montrant dans la cour de notre maison, deux ou trois ans après son retour de France. Oui, il ressemblait bien à Brando…
Lamine Bey Chikhi

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Bribes d’histoire -70-

Posté par imsat le 31 juillet 2022

« Écrire, c’est lever toutes les censures » (Jean Genet)
Oui, mais encore faut-il en être capable, le vouloir vraiment. Et puis, pourquoi le faire, dans quelle optique, pour quels objectifs ?
En être capable, je veux dire surtout mentalement, psychologiquement, culturellement.
Ce n’est pas une affaire de technicité, de style, de formulation même si la façon d’écrire peut aider à surmonter des blocages, des obstacles.
Mais la question me paraît importante: pourquoi vouloir tout dire ? Je crois qu’il faut répondre à cette interrogation avant d’envisager de tout raconter. Il y a aussi la manière de dire les choses. Faut-il être dans la nuance, la subtilité, le franc-parler, la brutalité, la transparence totale, la suggestivité, les allusions ? Il m’est arrivé de formuler des propos directs, sans mettre de gants, mais que j’ai relativisés aussitôt après pour diverses raisons. Je voulais dire certaines choses à Yabb notamment au sujet de Yasmina Khadra mais je me suis rappelé que sur nombre de thèmes liés à la culture, nous n’étions pas sur la même longueur d’onde. Je le lui ai d’ailleurs fait savoir. Je lui ai aussi dit que je n’aimais pas du tout que certaines de mes réflexions soient gâchées, gaspillées, dénaturées, abîmées. Je lui ai juste indiqué qu’il (Y.Khadra) se prenait pour le centre du monde, qu’il avait pris la grosse tête, qu’il était mégalomane, susceptible, plutôt maladroit et agressif dans ses propos, et qu’il n’avait aucune culture littéraire. Quand, à Tizi Ouzou, dans le cadre de la promotion de son dernier livre Les Vertueux,  Y.Khadra déclare, toute honte bue, que c’est lui qui a ouvert le monde à la littérature algérienne, il est vraiment englué dans sa folie des grandeurs. En d’autres termes, cet auteur fait table rase de tous les ecrivains algériens qui l’ont précédé dans la littérature (Kateb Yacine, Mohamed Dib, Assia Djebar, Rachid Boudjedra, Mouloud Mammeri, Rachid Mimouni, Mouloud Feraoun, Malek Haddad…) et de leurs oeuvres dont certaines sont mondialement connues et traduites en plusieurs langues. Yasmina Khadra zappe également (parce qu’il n’a aucun savoir ni aucune connaissance en la matière)  les innombrables travaux universitaires réalisés précisément sur la littérature algérienne d’expression française, en Algérie, en France et partout ailleurs dans le monde. C’est donc aux universitaires, aux spécialistes de la littérature algérienne francophone, au premier rang desquels nombre de professeurs algériens, qu’il convient de rendre hommage. Ils le méritent amplement et mille fois plus que Y.Khadra. Je ne souhaitais pas en dire plus à Yabb. J’ai changé carrément de sujet en lui rappelant que si nous devions déjeuner ensemble, comme il me l’avait proposé, ce serait bien qu’il invite une ancienne ambassadrice ou une artiste-peintre ou plutôt une violoniste. Oui, c’est ça, une violoniste. Pas une pianiste, non, une violoniste. J’ai insisté sur ce point. Je sais ce que je dis et pourquoi je le dis. Un fantasme ? Pas forcément ou un peu quand même. Je trouve que les femmes qui jouent du violon sont généralement gracieuses, élancées, romantiques, qu’elles se mettent parfaitement au diapason de la musique qu’elles interprètent, qu’elles font corps avec leur instrument…
Lamine Bey Chikhi

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Bribes d’histoire -69-

Posté par imsat le 30 juin 2022

Hier après-midi, j’ai pensé à Touhami D qui travaillait au service de l’état civil de la mairie de Batna dans les années 60-70. Je me suis remémoré le jour où j’étais allé le voir pour refaire notre livret de famille parce qu’il était un peu abîmé. Je le lui avais remis en lui indiquant qu’il pouvait prendre le temps qu’il fallait pour l’établir. Cela ne me dérangeait pas, je n’étais pas pressé, j’étais à Batna pour une bonne dizaine de jours, c’était le printemps, il faisait beau, je retrouvais deux ou trois anciens camarades du lycée. Et surtout, c’était l’occasion pour moi de renouer avec l’orchestre Essaada et ses répétitions de 18 h à 21 h dans le petit local jouxtant le garage de la société de transports Bekhouche. Mustapha Bej, le batteur, était toujours heureux de me revoir. Il me demandait de prendre l’accordéon rouge et de jouer « nos » musiques habituelles (Solenzara, Tombe la neige, La Playa, Que je t’aime…). Il était ravi de m’accompagner à la batterie. Nous revivions dans la bonne humeur l’ambiance d’autrefois. Cette évocation est juste une digression pour dire quelques mots de Touhami qui faisait lui aussi partie du groupe Essaada où il était violoniste. Je voulais surtout préciser qu’il m’avait refait le livret de famille très rapidement, renseignant chaque page impeccablement. Son écriture était magnifique. J’ai repensé à tout cela et je me suis demandé si je l’ai remercié suffisamment. Il avait fait de l’excellent travail en un temps record. Il n’y était pas tenu. Il avait accompli sa tâche de façon minutieuse. Si, aujourd’hui, je crois avoir été parcimonieux et banal dans mes remerciements, c’est sans doute par analogie et parce que tout, dans le fonctionnement et la gestion de l’état civil a été complètement bouleversé, surtout depuis sa numérisation à partir des années 2000…

Lamine Bey Chikhi

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Bribes d’histoire -68-

Posté par imsat le 29 mai 2022

Je devais évoquer je ne sais plus combien d’impressions, de fragments de souvenirs, de moments heureux, de jours heureux. Mais le quotidien est venu interférer dans mes projections, brouillant les cartes, imposant ses urgences, ses priorités, son diktat, remettant les pendules à l’heure mais pas toujours dans le sens souhaité. Et lorsqu’il me faut rattraper les choses, je le fais dans le même registre rétrospectif.
Oui, c’est vrai, ce que j’écris tourne toujours autour des mêmes évocations. Je m’en rends compte mais je ne m’en étonne pas. Pourquoi se forcer à écrire ce que l’on ne ressent pas ?
Même quand je dis que le style de Patrick Modiano me plaît beaucoup, je suis dans la proximité d’une certaine nostalgie. J’aime ce qu’il écrit. Il ne cherche pas à épater. Il dit les choses simplement mais ses phrases sont ciselées de telle sorte qu’elles marquent les esprits. Ce qu’il écrit est retentissant parce qu’il nous est familier. En tout cas, cela me parle complètement.
Systématiquement, je me dis : « mais j’ai vécu cette situation, j’ai éprouvé ce sentiment, j’ai bel et bien croisé des gens qui ressemblent à ceux dont il parle, j’ai moi aussi vainement tenté à maintes reprises de me rappeler les rêves de la veille… » Et justement ces tentatives (souvent infructueuses)  de récupération de certains rêves me renvoient à l’époque où il nous arrivait fréquemment d’entamer la journée en racontant nos rêves respectifs quand il en restait quelque chose. Nous épiloguions même quand le rêve résiduel était vague, confus, incertain. Nous finissions notre propos en émettant le voeu qu’il en sorte du bien. Nous disions plusieurs fois : « inchallah, c’est bien » pour que le rêve se traduise positivement.
Certains écrivains comme Modiano séduisent parce qu’ils savent parler du réel, de ce que nous ressentons ou avons vécu. Leur talent particulier les distingue des autres auteurs.
La ligne de démarcation saute tout de suite aux yeux et, ajouterais-je, au coeur. Cela se lit et se ressent. Cela repose aussi sur la sincérité. Et la, on pense, je pense à la personne même de l’écrivain. Ce qu’il écrit, il l’a vécu, ressenti, observé, aimé.
« Un mot n’est pas le même dans un écrivain et dans un autre. L’un se l’arrache du ventre. L’autre le tire de la poche de son pardessus »
Cette citation de Charles Péguy illustre exactement ce que je souhaitais dire de Patrick Modiano, de son style, de sa perception des choses de la vie, de sa façon d’en valoriser le moindre détail. Oui, ce qu’il écrit sort de ses tripes. On s’en rend compte lorsqu’on le voit à la télévision.
Ce qu’il ne parvient pas à formuler oralement, ses hésitations, ses phrases incomplètes, ses silences, eh bien tout cela, il finit par l’exprimer magnifiquement dans son écriture.
Lamine Bey Chikhi

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Bribes d’histoire -67-

Posté par imsat le 30 avril 2022

« J’aimerais qu’il existe des lieux stables, immobiles, intangibles, intouchés et presque intouchables, immuables, enracinés ; des lieux qui seraient des références, des points de départ, des sources »
Cette citation de Georges Pérec est magnifique. Je la fais mienne dans le fond et dans la forme. Je me l’approprie complètement. Elle est parfaite. Tout en elle me convient, les mots, leur alignement, l’ordre dans lequel ils sont formulés, le fait que cinq d’entre eux commencent par la lettre I, leur signification profonde, l’harmonie de leur interconnexité.
Les lieux semblables à ceux évoqués par l’auteur sont dans ma tête, il y en a à profusion et ils renvoient tous, sans exception, au passé. Ils ont donc existé, je les ai côtoyés, observés, appréciés des années durant. Ces lieux m’ont séduit, subjugué, étonné, donné à réfléchir. Ils ont pour la plupart disparu physiquement, victimes de décisions publiques stupides, irréfléchies, inconscientes.
Ils ne sont plus dans le paysage mais ils restent vivants dans ma mémoire, mes souvenirs.
La mémoire, c’est ce qui permet l’immobilité, la stabilité, l’intouchabilité énoncées par Georges Pérec.
C’est la seule alternative à la casse, la démolition, la néantisation mises en œuvre presque quotidiennement par des innommables. Je les appelle ainsi. Ils n’ont pas de nom. Je ne peux les appeler autrement.
Certes, l’option du souvenir n’est pas parfaite, loin s’en faut.
Mais elle permet de sauver l’essentiel et d’échapper à une amnésie qui serait psychologiquement extrêmement dommageable.
J’ai déjà eu à citer, via une décennie de fragments d’histoire, nombre de lieux que je croyais définitivement intouchables en dépit du délabrement que certains d’entre-eux ont subi.
Je pouvais plus ou moins supporter l’usure du temps sur des bâtisses parce que j’espérais qu’elles seraient rénovées un jour. Mais je ne pouvais imaginer ni admettre leur démolition, leur saccage, qui plus est par les pouvoirs publics ou avec leur complicité.

 Lamine Bey Chikhi

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Bribes d’histoire -66-

Posté par imsat le 31 mars 2022

« On se souvient d’une atmosphère parce que des jeunes filles y ont souri » (Marcel Proust)
A travers ces quelques mots que je trouve percutants, exquis et évocateurs, l’auteur d’A la Recherche du temps perdu, bonifie et aère tout en les renforçant l’assise et l’ossature du processus nostalgique, élargissant ainsi davantage le champ de la mémoire.
La citation est belle et fondée. Surtout pour ceux qui aiment se souvenir.
Quand je l’ai découverte, j’ai immédiatement songé à une ambiance printanière, bigarrée, à des parfums de femmes, des éclats de rire, des rires francs et conviviaux, à une certaine élégance dans les postures, dans la façon de converser.
Cette ambiance n’est pas une vue de l’esprit, une fiction ou une image vague et floue, pas forcément personnelle d’ailleurs.
Certes, des décantations sont nécessaires entre le réel et la fiction. Le cinéma, par exemple, peut interférer et interfère effectivement dans la remémoration.
Quand je dis Le cinéma, pour moi c’est très précis, je pense à quelques films, à quelques actrices: Romy Schneider dans Les Choses de la vie, Claudia Cardinale dans Le Guépard, Sophia Loren dans Une Journée particulière ou encore Anna Karina dans L’Etranger.
Les recoupements entre le réel et la fiction sont plaisants. Se souvenir d’un sourire de Romy Schneider, c’est aussi trouver des ressemblances avec des évocations similaires personnelles. Le sourire comme élément déclencheur d’une atmosphère passée, c’est fabuleux parce que sans limite dans le temps et dans l’espace. L’émergence de tels souvenirs est-elle sélective ? Je crois qu’il y a un tri tantôt délibéré, volontaire tantôt inconscient. Ce qui est sûr, c’est qu’en même temps que je « visualise » certaines séquences de mes films de prédilection, se déroulent devant moi des rencontres d’autrefois dont je trouve qu’elles correspondaient parfaitement à la citation de Proust et à ce que, selon moi, l’écrivain ressentait profondément en la formulant.
Lamine Bey Chikhi

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Bribes d’histoire -65-

Posté par imsat le 28 février 2022

On dit de certains auteurs qu’ils écrivent toujours le même roman. On pourrait aussi dire que leur style est constant, ce qui ne veut pas dire linéaire, de même que leurs tournures de phrases. Leurs citations sont retentissantes, saisissantes et suscitent une adhésion généralement immédiate, collective voire quasi universelle. C’est également le cas de nombre d’artistes (cinéastes, acteurs, actrices, photographes, peintres…) Si je devais illuster ce à quoi je songe précisément, je le ferais en rapportant les citations suivantes que je fais naturellement miennes :

« Pourquoi certaines choses du passé surgissent-elles avec une précision photographique? »(Patrick Modiano).

 » La simplicité est la sophistication suprême » (Léonard De Vinci)

 » Mon indépendance qui est ma force, induit ma solitude, qui est ma faiblesse » (Pier Paolo Pasolini)

Ces citations n’ont pas de lien entre elles. Elles ne sont pas rivales, concurrrentes ou antagonistes. Elles sont différentes dans leur signification et leur portée. Les trois sont percutantes, belles, attractives. Je ne saurais préférer l’une au détriment de l’autre. Je leur accorde la même importance intellectuelle. Ce sont des aphorismes qui confortent, crédibilisent le statut de leurs auteurs. Je cite Pasolini parce que j’ai toujours apprécié son travail et ses postures atypiques mais également parce que j’aime beaucoup le cinéma à la fois comme divertissement et incitation au questionnement. J’aurais aimé entamer une réflexion autour de ce qui pourrait constituer une sorte de hiérarchie des arts et des lettres, un classement au regard de leur discours, de leur impact littéraire, esthétique, poétique voire politique. Cette thématique m’intéresse de plus en plus d’autant que les données disponibles sur internet permettraient d’en découvrir les multiples facettes et d’en approfonfir l’exploration. Littérature, cinéma, peinture, photographie, tout cela est lié. Je ne le dis pas seulement pour des raisons objectives évidentes. Je le pense aussi pour des considérations subjectives, personnelles, connectées à un parcours historique. A Batna, entre 1964 et 1967, j’allais au cinéma au moins trois fois par semaine, en soirée. Tantôt seul tantôt avec S. Azzedine. Nous avions failli rater notre brevet et abandonner carrément les études à cause de notre fréquentation assidue des salles obscures. Très vite, j’ai aimé l’adaptation cinématographique des grandes oeuvres littéraires (Guerre et paix, Anna Karénine, L’Etranger, Le Rouge et le Noir, Le Guépard…). Ce prolongement, cette jonction  cinématographique de romans exceptionnels me paraissait magique. J’étais toujours heureux par anticipation à l’idée de pouvoir suivre la transposition à l’écran d’un recit littéraire que j’avais lu et qui m’avait marqué. Les langage artistiques ou littéraires ont leurs propres spécificités que j’apprécie comme telles, mais leur interaction, leurs synergies permettent de jouir davantage des plaisirs qu’ils procurent. La photographie n’est pas en reste. J’entretiens avec cet art un lien particulier qui renvoie à l’histoire, aux premiers albums de famille que je consultais fréquemment et toujours avec le même émerveillement, la même curiosité, le même étonnement. Je ne m’en lassais pas. Pour tout dire, j’aurais tellement aimé faire de la mise en scène, de la street photography ou encore écrire des scénarios, peut-être les trois en même temps…

Lamine Bey Chikhi

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Bribes d’histoire-64-

Posté par imsat le 31 janvier 2022

Je cherchais des feuilles blanches. Je suis tombé sur une feuille pliée en deux sur laquelle j’avais écrit : « Réflexions sur le Coronavirus, 23 mars 2020″ C’était une liste de thèmes divers et variés, et a priori sans lien direct entre eux. Avaient-ils une connexité avec la pandémie. A ce moment-là, je ne le croyais pas. il me semble avoir noté les sujets ou les constats en question, peut-être en pensant confusément que le Covid n’avait pas surgi ex nihilo, n’était pas dissocié du désordre planétaire, des injustices mondiales, des conflits armés, du dérèglement climatique, etc. J’avais aligné des mots: « Mondialisation, interdépendance, individualisme, ultra libéralisme, guerres néocoloniales, déstabilisation-destruction d’une partie du monde arabe, consumérisme sans limite, crise spirituelle, démographie, déplacements de populations, folie des réseaux sociaux, fake news, mimétisme intellectuel, rien ne sera comme avant… » Et au verso de la feuille, j’avais énoncé d’autres mots, des éléments pour une « feuille de route » : « Nécessité de rentrer en soi-même, se recentrer sur autre chose, s’interroger, échelle des valeurs, chacun à sa place, assumer les conséquences de ses choix, restauration de l’autorité de l’Etat, Etat stratège… » J’avais également écrit quelques phrases elles aussi sans lien avec le reste. Je les restitue exactement comme je les ai retrouvées. « Ecrire, oui, mais écrire quoi ? Ecrire, chercher, trouver toujours quelque chose à écrire, quelle que soit la situation. Ecrire, c’est réfléchir, et c’est toujours utile. Il y a dix jours ou un peu plus, j’ai cru apercevoir HI. En fait, c’était elle, elle était sur le point de prendre un taxi, juste devant l’immeuble Le Mauretania. Il était 15 heures, il faisait beau. Elle portait un manteau marron-clair, un pantalon beige. On ne s’était jamais rencontrés. oui, c’était bien elle, j’en étais absolument sûr. Juste avant de traverser la rue, je l’ai regardée, elle m’a regardé. Et tout en la regardant, je pensais à la séquence finale du film Le Petit Lieutenant. Une scène magnifique dans laquelle on voit Nathalie Baye marcher lentement sur la plage, plongée dans une immense tristesse ou plutôt une méditation intérieure. Elle vient d’abattre l’assassin du Petit lieutenant. Mission accomplie. Elle fixe la caméra, elle nous regarde, un regard qui semble s’éterniser, profond, poignant et dont on ne veut pas se détacher. Eh bien, c’est cette impression de profondeur que j’avais ressentie en avançant en direction de HI. Je marchais en songeant à cette scène et surtout en m’imaginant interpréter un rôle sous un double regard, le sien et celui d’un metteur en scène imaginaire. Profondeur du regard mais aussi sensation du temps suspendu, d’une néantisation de l’environnement. Je jouais une scène mais j’étais conscient que cela faisait partie du réel. Et puis, tout en allant vers elle, je me disais que cette « rencontre » ou plutôt cette quasi rencontre avec HI mériterait d’être écrite parce qu’elle illustre assez bien ce que j’ai souvent pensé des convergences entre l’écriture, le cinéma, l’imaginaire, le hasard,  le réel…

Lamine Bey Chikhi

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Bribes d’histoire -63-

Posté par imsat le 29 décembre 2021

Avec le recul, bien des choses d’autrefois me paraissent ineffables, extraordinaires à tous points de vue. Quand je dis autrefois, je pense à des années, à des périodes spécifiques, référentielles. Les choses en question renvoient à des visions existentielles, des approches humaines, des postures, des conversations, des modes de communication, le tout impliquant certaines personnes exceptionnelles. Aujourd’hui encore, je suis émerveillé lorsque je me remémore l’époque considérée. Mon admiration n’a rien à voir avec le contexte historique. Ce à quoi je songe est indépendant de l’histoire, de la grande histoire. En ce sens, je soutiens que les êtres dont le tempérament, l’éducation, les valeurs morales m’ont marqué, transcendaient l’histoire. En tout cas, c’est ce qui émerge de plus en plus de mes souvenirs cardinaux. Naturellement, cela ne concerne pas de la même façon les membres de ma famille (paternelle et maternelle s’entend). Il y avait des personnages centraux (hommes et femmes) et ils étaient centraux d’abord au regard de leurs valeurs éthiques, de l’attention qu’ils accordaient aux êtres et aux choses. Ils étaient même, d’une certaine façon, charismatiques. Ils imposaient le respect par leur sagesse, la mesure de leurs propos, leur délicatesse systématique. Il y avait de la noblesse dans leur appréciation de la vie, dans leurs rapports aux autres. C’est toujours et d’abord le mot convivialité qui me vient à l’esprit quand je pense à eux. Mais leur convivialité n’était pas feinte, calculée, fictive. Elle était naturelle, spontanée et expurgée de tout ce qui risquait de la fausser, de la frelater. C’était une convivialité épurée, raffinée, détendue, égale à elle-même. Il n’y avait rien d’artificiel dans leur comportement. Et c’est tout cela que je percevais et que je qualifierais aujourd’hui de quintessence du savoir-vivre. En écrivant ces lignes, je pense en particulier à une conversation entre ma mère et sa tante maternelle Khalti Zlikha qui habitait alors rue du Casino. C’était une après-midi printanière. Je dégustais de délicieuses halwette Ettork en les écoutant parler. J’observais déjà qu’elles prenaient le temps de parler, de s’appesantir sur des choses simples, qu’elles prenaient la parole opportunément. L’échange était fluide, détendu, souriant. Il y avait une grande déférence dans leur façon de se regarder, de s’apprécier. Je les regardais, je les écoutais, et je sentais aussi que tout était harmonieux, équilibré, synchrone. Je me réfère précisément et délibérément à cette conversation pour illustrer ce que je pense vraiment des qualités supérieures des êtres que j’ai eu le privilège de côtoyer. Qualités que je ne retrouve pas du tout chez les gens d’aujourd’hui devenus intéressés, matérialistes, outrageusement pragmatiques, incapables de se défaire des scénarios utilitaires et de toutes sortes d’anticipations qui empêchent d’apprécier pleinement, librement, sereinement le moment présent. C’est un peu pour toutes ces raisons que je suis d’accord avec Nina Bouraoui lorsqu’elle écrit : « Tout se défait, tout se sépare, et je ne sais pas si l’on retrouve un jour les choses que l’on a perdues. »

Lamine Bey Chikhi

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