En filigrane

 

Le nom recomposé d’Osiris (extrait de Gémellités)

Jusqu’à nous, encore

Un héritage diffus

Une mèche de discorde

Un trouble néfaste

 

Deux contraires irrémédiables

Duel obscur de matières impures

Corps-à-corps ultime

 

L’un se découvre féroce

Ogre décuplé par monstres dévorés

Sa langue tremble vipère  oisive

 

Verbe fielleux lacérant l’air

Souffre jaunissant le ciel tombé en poussière

Il sent le temps putride

Il respire le venin des corps mal momifiés

L’autre éclate en morceaux éparpillés sous torrents de colère

 

Stupeur, détresse, désespoir, hurlements, flagellations

Le Nil, vagues explosées, flammes écarlates, implore qu’on entre en lui

Il insuffle vie aux membres dispersés de son enfant

 

Une immersion affolée ratisse les profondeurs

Les plongeuses divines amerrissent

Sondent les abysses endoloris

Scrutent reflets et mirages polychromes

Quêtent la braise encore vivace du frère agonisant

 

Inlassables, jours nuits, nuits jours

Nul espoir hors les âmes-sœurs Isis, Nephtys

Brassées géantes agitant alluvions  avides de matières fécondes

 

Les écailles phosphorescentes  chargent

Les faisceaux diffractés du désert alentour s’inclinent à la rescousse

La nuit devient jour

Jour

Jour

Jour, rien que jour,

Jour, uniquement jour, jusqu’à illuminer l’écrin sacré du fleuve

 

Clameurs !

Fragments enfin retrouvés du corps mutilé

Captations fébriles des sens et de l’esprit

Raccords

Remembrement

Liesse

Ronde festive autour de la promesse reprenant forme

Humus, peau, aile, œil d’aigle recevant flamme

Le désir coule de source

Isis le recouvre de son corps

Son ventre se tend vers l’intensité du monde

 Nephtys s’éloigne discrète

 

Les lettres naissantes d’un cercle solaire éclairent l’enfant né

Seth siffle en vain vers les ergs stériles de sa solitude

Son fiel coule pâle

 

Mort désespérée de n’effrayer ni les jeunes ni les vieux

Horus récite l’histoire, témoin jusqu’à nous du nom recomposé d’Osiris

 

 Beïda Chikhi

(2012)

 

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     Une mère

 Un matin de septembre, nul frémissement, nulle vibration

Alentour, nul bruit, nul brouhaha, nul sifflement

Le silence, rien que le silence, et rien autour

Le silence et son écho, et rien alentour

Et moi dormant dans un duvet caressant, l’étreinte ultime de ma mère

Une soie légère passa sur ma joue   

Son souffle m’enveloppa tel le voile de ma naissance

Elle m’avait dit que j’étais née coiffée, que ma coiffe nous avait été dérobée par des faiseurs de fortune

Âme généreuse

Tendresse

Elle vint à son dernier instant, un matin de septembre, me rappeler le sens de cette coiffe

Juste avant de rejoindre son éternité

Et j’ai pleuré, pleuré, pleuré

 

Beïda Chikhi 

Paris, septembre 2010

 

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                                                  Il aurait eu 100 ans aujourd’hui

 De cette nuit où la longue Dame voilée de nacre noire était venue me chercher, de cette nuit, le souvenir est ciselé. Elle avait avancé vers moi ses mains froides et transparentes, déposé d’énormes galets dans ma bouche et transformé mes bras en granit dur et morcelé.

Elle voulait m’emporter dans son ascension vertigineuse. Le ciel était à ma portée. Mes trémoussements de fillette fragile hurlèrent non !  Mon cri étouffé fut entendu de ma mère, qui réveilla mon père : « elle a encore un cauchemar » . 

Il se leva, franchit le seuil de ma chambre d’enfant solitaire à moi offerte trop tôt. Il appliqua sa main sur mon front, récita son verset miraculeux. La longue Dame s’éloigna discrètement, puis disparut dans l’encoignure la plus obscure de ma chambre.

Ma mère me prit dans ses bras : « j’avais des cauchemars aussi à ton âge » Elle ne savait pas alors que, comme elle, au même âge, j’allais être orpheline de mon père.

Le corps du père avait remplacé le mien auprès de la froide créature voilée de nacre noire.

« Le verset du trône » m’avait restitué ma navigation morphique jusqu’au matin chargé de sons.

La voix de mon père récitant le verset miraculeux ne m’a plus jamais quittée. Mais j’ai besoin parfois, encore aujourd’hui, de sentir sa main sur mon front.

Beïda Chikhi

Paris, 21 février 2009

 

 

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